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5 janvier 2011 3 05 /01 /janvier /2011 00:06
  1. De rares voix discordantes
  2. Les traces de discours anticolonialiste ne se trouvent pas aisément en 1939-1940. Ni chez les surréalistes  pour qui la mobilisation des moyens militaires de l'Empire ne suscite guère la protestation. Ni chez les communistes dont les préoccupations immédiates sont bien différentes. L'indignation n'est donc pas nécessairement là où l'on croit la trouver.
  3. Paul Léautaud, qui préfère en temps normal ses nombreux chats au genre humain, est ainsi le seul intellectuel de renom à exprimer sa protestation. Même s'il ne peut le faire qu'à travers les pages de son journal intime. Sa colère a éclaté à la mi-novembre [939, à la lecture des journaux
  4. « La nouvelle est partout que le gouvernement va faire venir un million de coloniaux pour remplacer sur le front autant de soldats français. Voilà qui va faire apprécier à ces gens la colonisation française. On est allé tuer, déposséder, assujettir ces gens qui vivaient tranquillement chez eux, ne demandant rien à personne et ne menaçant personne. Les Français leur disent aujourd'hui : Venez donc vous faire casser la figure à notre place pour défendre la France. » Et encore, on ne les prie pas : on les enrôle de force. Pour eux aussi, k service militaire est obligatoire. C'est simplement abominable''.
  5.  Ce témoignage lucide est presque unique en son genre. Par une sorte de hasard. on en possède un autre non moins exceptionnel. qui présente l'envers du décor : la situation aux colonies. Il faut encore se tourner vers un récit qui ne sera connu que de façon largement postérieure aux faits et qui émane d'un jeune homme parti de métropole courir l'aventure en Extrême-Orient, Pierre Boulle. Alors âgé de 28 ans, le futur romancier du « Pont de la rivière Kwaï » et de « La Planète des singes » n'est alors qu'un planteur que la déclaration de guerre a surpris en Malaisie. Parvenu en Indochine où on le <span>mobilise. il</span> assiste en mai 1940 au départ d'un contingent de soldats annamites. La description qu'il fait de l'épisode est saisis­sante :
  6. « Je retourne à Phu-Baï juste à temps pour assister [au] départ pour la France d'un contingent de nos tirailleurs. On les a habillés de neuf- [-..]En  colonnes, devant le train qui doit les emporter vers le port d'embarquement, ils attendent sous le soleil d'être passés en revue par un général et par l'empereur. que l'on a convoqué  pour la circonstance.|...Le moral me parait bas. Il y a des regards rancuniers d'autres qui laissent prévoir des larmes. Il est visible que les « volontaires » se demandent ce qu'il leur arrive et qu'ils ne sont pas rassurés. Les femmes, elles nous lancent des regards franchement hostiles. L'empereur arrive enfin avec le général. Il est vêtu d'une robe jaune dans laquelle il se sent visiblement mal à l'aise. Il passe rapidement les tirailleurs en revue puis on les embarque dans le train  rapidement, très rapidement  pour couper court à une scène déplaisante. Les volontaires pleurent comme des veaux. Les femmes nous adressent des paroles incompréhensibles mais qui ne sont certainement pas des compliments.
  7. Enfin ils sont partis. En somme, cela ne s'est pas trop mal passé. On dit que dans certains camps des familles entières se sont couchées devant la locomotive.(39)
  8. En métropole un article du Petit Parisien du 5 février 1940 s'intitule justement « Volontaires et patriotes, des milliers d'ouvriers arrivent d'Indochine »...
  9. Un rare exemple de discours alternatif se retrouve à gauche dans « l'Œuvre » Il ne s'agit pas à proprement parler d'une thématique and coloniale mais le quotidien est le seul à s'intéresser au sort des soldat coloniaux mobilisés, sous la plume de Madeleine Jacob. (celle-ci dénonce la précarité de leur sort, le 27 novembre 1939 : - [Ce sont de] pauvres bougres tout seuls, la famille, quand il y en a une. est si loin, si loin dans le vaste monde. De pauvres bougres sensibles comme des enfants, heureux d’un rien comme de vrais gosses. Des gosses qui ne sont que de tous les coups durs. Les soldats de couleur. Ceux de notre Empire, ainsi qu’on dit maintenant (deux lignes censurées) Elle poursuit : « Imaginez ce qu’est pour eux le repos ou la « perm ». La perm’ ? Où voulez vous qu’ils aillent ? Leur « maison », c’est si loin. Ils n’ont vraiment personne. C’est pour cela peut-être qu’il faudrait les gâter autant que les autres. » (40)
  10. L’article déclenche un mouvement de solidarité mais la sympathie affichée n’entraine toutefois pas la contestation du principe colonial. La remise en cause du système attendra encore et à ce titre, « l’Oeuvre » ne reviendra plus sur le sujet. L’Empire colonial est bien l’un des éléments les plus communs de la France de la « Drôle de Guerre », y compris dans les représentations qu’en ont les intellectuels.
  11. 36. Gallimard n'aura en définitive vendu que 3700 exemplaires de « L'Empire français » dont 3000 préachetés par le ministère des Colonies.
  12. 37. A la date du 19 novembre 1939, in Paul Léautaud.Journal Littéraire, tome II. Op.cit pp.2136-2137.
  13. Sur le même sujet: on connait aussi le texte d'une protestation écrite de Simone Weil  à l'adresse de Jean Giraudoux.
  14. 39. À la date de mai 1940, in Pierre Boulle, Aux Sources de la rivière Kwaï (Paris- Julliard 1966( p.26
  15. 40. Madeleine Jacob, « Y a d’l’abus- Ceux de couleur » , l’œuvre, 27 novembre 1939.
  16. Extrait de "la Drôle de guerre des intellectuels français 1939-1940" de Pierre Frédéric Charpentier (Ed. Lavauzelle 2008 pp.229-230) 
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