Après "Bohèmes" et "Libertad", Dan
Franck était l'invité de la Médiathèque Zola de Montpellier pour son dernier ouvrage "Minuit" sur les bassesses ou l'héroïsme des intellectuels français entre
1939 et 1944.
Les pages que j'ai consacrées aux archives de mon parain Maxime NEMO sur cette période dont un épais
journal de 1939 à 1941 m'on incité à aller écouter cette présentation.
Arcbouté dans sa canadienne face à un public attentif venu voir la star des médias et magazines littéraires; oui Dan Franck fait un "Buzz" - plus que ses deux
précesseurs, deux biographes patentées Evelyne Bloch-Dano (Sand) et Béatrice Mousli (Soupault)-Ils sont venus comme moi entendre les réponses à ces questions: Qui sont les courageux, les héros, les indécis, les
lâches et les salauds ?
Et je ne vais pas être déçu !
En 1939 57 % des Français étaient pour la signature des accords de Munich dans la logique pacifiste de l'après grande guerre 14/18: plus jamais ça ! Si les Français
et Anglais avaient attaqué dès 1935 ils auraient sans doute gagné avouait un responsable allemand dans ses mémoires. Dan Franck rappelle l'exode et la mise à l'abri des
tableaux du Louvre d'abord vers le nord de la Loire puis au Sud de la Loire.
Il y a d'abord les pacifistes qui pendant la première année du conflit refusent d'être mobilisés et de prendre les armes. le procès d'Henri Jeanson est symptomatique à cet égard. Ensuite il y a tous les Surréalistes qui sont les premiers à monter au créneau derrière
André Breton et qui fuient vers Marseille comme Alma Mahler et Max Ernst ( On peut relire sur cette période le livre de
Mireille Pinsseau sur LA PEINTURE EN PROVENCE ET SUR LA COTE D'AZUR
PENDANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE, 1939-1945..
Commence ensuite une longue litanie de noms dans un total manque de discernement , Dan Franck se défend d'être historien et de porter un jugement !!!! et fait oeuvre de romancier !!!! A voir !
L'objectif premier pour les Allemands est d'éliminer les antinazis allemands c'est pourquoi Walter Benjamin, Arthur Koesler, Thomas Mann fuient vers Marseille et Sanary au Camp des Milles. Sperber rejoint Malraux Max Ernst peint "les Apatrides".
On assiste alors à un vent de panique, de désespoir et parfois de suicide.
Les occupants se livrent à des autodafés et à la censure..Marian
Fry organise à Marseille un réseau pour aider les intellectuels à fuir l'occupant: Gide, Malraux et Chagall refusent de s'exiler.
La censure établit des listes de juifs anti allemands avec pour position de principe par rapport au régime de Vichy: "Vous gérez, nous on contrôle".
Commence alors un long réquisitoire à commencer par les Editeurs, les responsables de salles, les responsables du cinéma qualifiés d'indignes dans leur collusion
avec l'Occupant. Alors que Calmann Lévy et Nathan sont fermés, Grasset et Denoël sous scellés, Le Directeur de l'Institut allemand
Karl Epting, Gallimard et la NRF jouera la carte de la collaboration surtout quand cette dernière passe sous la coupe de Drieu La
Rochelle, (Jean Paulhan s'étant retiré par solidarité quand les Allemands "ont viré les Juifs").
Claudel écrit une Ode au Maréchal Pétain, Gide dans son journal soutient le Maréchal
puis se rétracte, Saint Exupéry pense que Pétain est la moins mauvaise solution.
Mais qui étaient les pétainistes ? se demande Dan Franck , tous des membres issus de la
Cagoule.
Et il enchaîne: Emmanuel Berl écrit les discours de Pétain après avoir écrit sur le "retour à la
nature et la beauté de la flore" : thèmes pétainistes ( on se retient pour ne pas pouffer !!! Et Rousseau alors ? ) Cocteau
couvre officiellement l'Exposition d'Arno Breker et cautionne par là l'Art allemand. (sic)
Sacha Guitry le mondain comme Cocteau pactise avec l'ennemi; Jean Vilar fait tourner sa "Compagnie de la roulotte" en province.
Il faut reconnaître que la période de l'occupation est une période culturellement florissante.
Guéhénno, Martin du Gard tout comme René Char refusent d'écrire alors que Céline, Marcel Aymé, "écrivains de
droite" l'acceptent.
Il faut faire vite l'heure avance et Dan Franck va élaguer à la serpe ... Rebatet et Brasillach sont des salauds. Piaf, Arletty,
Chevalier se pavanent aux bras des Allemands et assument leur collaboration.
Max Jacob avait demandé l'appui de Guitry pour sauver sa soeur et a essuyé un refus, quand il fut lui même déporté à Drancy, Guitry essaiera de la
sauver mais trop tard (voir le très beau film avec JC Brialy sur la trahison des amis)
Marguerite Duras et son mari Robert Antelme habitaient
rue St benoït et fréquentaient les Fernandez, collabos notoires et Marguerite Duras était alors responsable de la
"Commission de contrôle du papier" de Vichy et attribuait le papier aux écrivains: elle est donc une cadre vichyste qui rencontre Mornand
( alias François Mitterrand) Quant à son mari Robert Antelme qui a écrit "l'Espèce Humaine" avant la guerre il devient l'adjoint de Pierre PUCHEU Secrétaire d'Etat à l'Intérieur de Vichy puis passe à la Résistance.
Dan Franck trouve quelques résistants authentiques : René Char, Jean Prévôt, Roger Vailland, Jean Guéhénno, François Mauriac, Louis Aragon et Paul
Eluard. (ah bon on a eu peur , la salle respire ... !)
Malraux a joué un rôle réel pendant la guerre d'Espagne mais refuse de s'engager pendant la guerre et ne soutient pas Clara Malraux (née Goldschmidt) qui est dans la Résistance . Il intervient en 1944 (seulement) en créant "la Brigade Alsace
Lorraine", mais il est bien tard... !
Dan Franck se refuse à parler de l'épuration ni du rôle de ceux qui s'érigent en grands juges à cette période après 1945 comme Louis
Aragon. Il cite encore Jean Paulhan qui est un honnête homme et refuse de se comporter en juge en 1945 et mérite le respect et l'admiration de Dan Franck.
Les Editions de Minuit créées par Jean Bruller alias
Vercors créent des éditions clandestines avec des bénévoles anonymes qui relient les fascicules: 40 livres sont édités sous des pseudos et écoulés sous le manteau dont les 250
exemplaires du "Silence de la mer"
Pierre Seghers lance "le
Poète Casqué" et regroupe les auteurs du "Comité National des Ecrivains"
Marc Bloch Jistorien et professeur à l'Université de Strasbourg (repliée à Clermont ferrand) publie "l'étrange défaite" qui pose la question avant Dan Franck : "Pourquoi les élites ont-elles failli" (lire aussi la réponse de Nemo à
Jean Luchaire)
Sartre et Beauvoir sont des "naïfs et des imbéciles sur la situation politique". ILs restent étrangers face à l'Italie de Mussolini ou
pendant la guerre d'Espagne. Beauvoir occupe un poste d'enseignant juif déporté et signe " ni juive ni franc maçonne" comme l'exigeait Vichy. Ils passent en zone sud et tentent de
recruter Gide et Malraux qui refusent. Alors ils remontent en vélo vers Paris et Simone fait une chute de vélo : elle écrira dans son journal "J'ai failli
trouver la mort !" Voilà sa guerre s'écrie Dan Franck. Jankélévitch a dit de Sartre qu'il a toute sa vie voulu faire oublier sa lâcheté pendant la
guerre(.d'après Jankelevitch Sartre ne fut guère vigilant pendant l'Occupation, trop occupé par sa carrière; le même Jankelevitch attribue à un remords de Sartre à ce sujet toutes ses
prises de position ultérieures, y compris hélas en faveur de l'effrayante - mais non perçue comme telle alors - "Révolution culturelle" chinoise).
Il publie en pleine occupation "l'Etre et le Néant" à la NRF de Jean Paulhan et fait un tabac auprès des femmes enceintes !!!
Franck reconnaît une certaine objectivité à Sartre qui écrivait : "J'étais un écrivain qui résistait et pas un résistant qui écrivait"
Mais ensuite d'ajouter que tous étaient des fêtes parisiennes organisées par Picasso pendant la guerre
:Sartre, Beauvoir, Leiris. Beauvoir qui avoue avoir découvert la fête pendant l'Occupation.
Camus arrive tard et rentre d'Algérie grâce à pascal Pia qui le fait rentrer à "Combat" et participe à la Libération de Paris en 1944.
Raymond Aron était en Angleterre à l'abri, Romain Gary , Jouhandeau et Léautaud sont neutres et
"s'occupent de leurs chats."..(sic)
Paul Valéry "n'écrit rien contre et rien pour"
Montherlant écrit "la reine morte" et Anouilh "Antigone" et on a attribué des sens seconds à certaines pièces jugées comme
des hommages à Vichy.
Giono est "un militant pacifiste de droite" avec des périodes de silence. René Char qui le méprisait lancera même ses commandos résistants
pour aller faire exploser la porte de Giono .
George Orwell a été décrit dans "Libertad" comme une figure essentielle de l'engagement avec le
POUM dans la guerre civile entre anarchistes et stalinistes espagnols.
Gerhardt Teller envoyé par berlin pour organiser l'édition française et
la censure publie ses Mémoires aux Editions du Seuil et se repend et demande indulgence, Dan Franck juge cette parution "honteuse !" (mais ne juge pas, rappelons le !)
Otto Abetz fera de même et cherchera à se couvrir après la guerre et à se faire une virginité.
En conclusion, Dan Franck fait remarquer que Le Pacte germano sociétique de 1939 a eu un
impact énorme sur les intellectuels et fut une onde de choc chez les idéalistes qui avaient soutenu l'URSS dans la guerre d'Espagne d'où ces nombreux silences chez certains.
Il achève par une anecdote entre Malraux et Hemingway au Ritz qui clôture son
livre.Le public resté pour les questions posées au grand inquisiteur aura trouvé là soit des réponses à ses questions, soit se sera amusé des anecdotes choisies par Franck ou restera sur sa faim
après cette longue liste de mise à l'index du très manichéen invité.