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  • : Seniors Dehors !
  • : " Le bonheur se trouve là où nous le plaçons: mais nous ne le plaçons jamais là où nous nous trouvons. La véritable crise de notre temps n'est sans doute pas l'absence de ce bonheur qui est insaisissable mais la tentation de renoncer à le poursuivre ; abandonner cette quête, c'est déserter la vie." Maria Carnero de Cunhal
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DSCF1101.jpgC'était l'époque où je travaillais comme pianiste dans un restaurant panoramique au dernier étage d'un hotel international avec vue imprenable sur la capitale.Ca aurait tout aussi bien pu se passer à Montréal,à Zurich ou ailleurs, y aurait eu la même proportion de Japonais, d'Américains, de Saoudiens,les mêmes créatures fatiguées d'avoir trop compté les dollars, j'pouvais leur jouer n'importe quoi, Gerchwin, Chopin, Art Tatum, de toutes façons, ils écoutaient pas.Tout ce qu'on me demandait c'était de faire le moins de bruit possible,juste un peu d'ambiance, quelque chose de ouatté,comme un velours, pour accompagner leur Saint Emilion,leur Shrink Coctail,leur T Bone steack, alors je jouais pour moi tout seul, des vieux airs de Bud Powell dont j'essayais de retrouver le phrasé sans jamais y parvenir,car je ne parvenais jamais à rien...
Je m'étais fixé jusqu'à trente ans pour réussir quelque chose dans la vie,et j'avais 29 ans et demi.Il me restait plus que six mois, en attendant on me filait 150 balles par soirée,plus la bouffe et la boisson à volonté. J'étais content, le seul problème,c'est que je venais juste de me faire engager et que les salauds,ils avaient pas voulu entendre parler de la moindre avance,même minime. Autant vous dire que j'attendais avec impatience la fin de la semaine pour toucher mon pognon,et la fin de la soirée pour aller me coucher. Vers minuit, les tables commençaient à se dégarnir. En général je me retrouvais en tête à tête avec un couple d'amoureux,des retardataires de l'affection,que j'avais pour mission de mener à bon port avec mon clavier magique. Allez donc savoir ce qui se passe dans la tête d'un pianiste,derrière ses touches,pendant que vous sirotez votre champagne,si ça se trouve, lui aussi est amoureux,ou triste parce que sa femme l'attend,ou parce que sa femme l'attend plus,parce qu'elle vient de le quitter,parce qu'elle va le quitter.
TEXTE de Bertrand Blier
dit par Patrick Dewaere dans le film "Beau Père"
Musique de Philippe Sarde  

Je dédie ce texte à  Julien FERRE de Montpellier, pianiste impénitent et surdoué....  

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