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21 juin 2007 4 21 /06 /juin /2007 17:30

Vers une semi-réhabilitation du beauf 
par Michel Houellebecq dans le Figaro du  6 janvier  2003Michel-Houellebecq.jpg

Dans un article récent du Nouvel Observateur consacré aux souffrances de l'homme de gauche, l'excellent Laurent Joffrin commet à mon sens une erreur lorsqu'il déclare que ma phrase selon laquelle "la religion la plus con, c'est quand même l'islam" me rapprocherait des positions du beauf lambda. En France, pays de forte tradition anti-cléricale, la position du beauf lambda serait plutôt quelque chose comme : " pour moi toutes les religions elles se valent, c'est du pareil au même". Pressé de s'expliquer, il détaillerait sans doute par : "c'est rien que des conneries pour opprimer les gens, pour les empêcher de s'éclater et les pousser à s'entretuer, et pour s'acheter des beaux habits dorés alors que le pauvre populot il crève la dalle". Cette position d'ailleurs, comme toutes celles du beauf, n'est pas sans manifester une certaine ressemblance immédiate.

Le beauf lambda étant difficle à détecter, et donc à interroger, tournons-nous pour confirmation vers quelques beaufs célèbres comme Guy Bedos, Siné (dont je rappellerai ici l'élégance des déclarations concernant Catherine Millet), ou mieux encore Cabu, l'inventeur du terme. Etablissons d'abord leur beaufitude : ils n'appartiennent naturellement pas à la catégorie du beauf lambda, et il semble préférable d'appliquer la catégorie du beauf alpha à des personnalités plus charismatiques, comme Jean-Marie Le Pen ; le terme de beauf beta semblerait assez bien lui convenir, mais je préfèrerai, de manière à mon avis plus précise, les qualifier de beaufs incomplets. Ayant eux-mêmes les aptitudes naturelles du beauf, ils n'ont pas su les faire fructifier (un traumastisme s'est produit; quelque chose les a déviés de leur route), et ils n'ont ainsi pu atteindre la pure sérénité beaufienne ; d'où en eux quelque chose de crispé, de mauvais, qui se traduit par un manque absolu d'humour. Le bouddhiste zen est parfois très drôle, le beauf "charcuterie" également ; Cabu, jamais.

Dénué d'intelligence comme d'humour, le beauf incomplet est, plus encore, dénué de sens moral - rappelons qu'une grande part de l'oeuvre graphique de Cabu a consisté à se moquer des handicapés, et à plaider sournoisement en faveur de leur extermination (son acharnement bestial contre Laissez-les vivre, toujours associé à des images de mongoliens et de paralytiques, dissimulant bien mal un Faites-les mourir sous jacent). Incapable de discerner clairement les religions, il sera encore moins capable de les juger, et de dire, par exemple : telle religion est noble, et excellente ; telle autre est médiocre, et de peu de profit ; une troisième est franchement innacceptable. L'examen des religions sur le plan intellectuel, leur jugement sur le plan moral sont pourtant des tâches qui s'imposent à tout être humain. Plaidant une sorte d'innoncence animale, le beauf ordinaire s'en dispense ; ayant souhaité par son reniement s'élever au-dessus de sa condition, le beauf incomplet oblige au contraire à le considérer avec sévérité, et à conclure qu'il s'est en celà, comme en bien d'autres choses, placé légèrement en dessous du niveau normal de l'humanité.

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