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20 avril 2017 4 20 /04 /avril /2017 14:19

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Linge sale

Le Quai rechigne – c'est le moins que l'on puisse dire – à sanctionner ses énarques. « On lave notre linge sale en famille1 », se gausse l'un d'entre eux. Et pour cause ! La haute hiérarchie est le plus souvent issue de la prestigieuse école, dont les diplômés disposent d'un puissant syndicat maison, l'ADIENA2. Si bien que les affaires impliquant ambassadeurs ou consuls se retrouvent rarement exposées sur la place publique et encore moins devant les tribunaux, à la grande déception des « bœuf-carottes » qui les ont mises au jour.

Prenez cette histoire3 qui a fait éclater de rire le Quai, maison d'ordinaire si difficile à dérider. Début 2013, une mission d'inspection du ministère des Affaires étrangères est dépêchée au Luxembourg. Les « bœuf-carottes » ont reçu plusieurs plaintes concernant l'ambassadeur sur place, Jean-François Terral, et son épouse. Certaines dénonciations n'étaient pas anonymes. Un dirigeant de la chambre de commerce du Grand-Duché a pris la plume pour s'étonner de l'extrême médiocrité des repas servis à la table de Son Excellence l'ambassadeur de France. En octobre 2011, la directrice locale d'une compagnie d'assurances française s'est dite, elle, furieuse d'une « indélicatesse » plus grave. Elle aurait confié 1 500 euros au couple Terral afin qu'ils les remettent aux agents de l'ambassade qui l'avaient aidée à résoudre une affaire difficile et qu'elle tenait à remercier. Or les enveloppes n'auraient jamais été données aux intéressés... Bref, la probité du couple serait sérieusement mise en doute.

Jean-François Terral n'est pas un diplomate de seconde zone. Ancien élève de l'ENA, promotion Léon Blum – celle de Bruno Delaye... –, il a dirigé l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA). Pourtant, en épluchant son compte personnel et en interrogeant les employés de l'ambassade, les inspecteurs découvrent des pratiques de grippe-sous. On raconte même que les fleurs déposées le matin sur le monument aux morts de la ville... se seraient retrouvées le soir même en petits bouquets sur les tables de réception de l'ambassadeur !

 

Gratter sur tout

Selon le rapport des inspecteurs, les Terral « grattaient » sur tout. Et particulièrement sur les frais de représentation. La règle veut que, lorsqu'il reçoit des hôtes dans sa résidence, un ambassadeur avance de sa poche les dépenses liées à la réception. Pour se faire rembourser, il doit indiquer à Paris le nombre de convives. À part le vin et le champagne, le remboursement est forfaitaire : 15 euros par personne pour un cocktail et 35 pour un déjeuner ou un dîner. Selon une note de l'inspection datée du 19 mars 2013, les Terral auraient parfois servi de « la nourriture notoirement périmée », notamment celle qu'ils auraient rapportée

plusieurs années auparavant, de Serbie, leur précédent poste.

Selon les inspecteurs, ils auraient facturé souvent 35 euros un déjeuner pour le moins frugal, composé d'une salade et d'une tranche de jambon sous vide. Enfin, ils auraient gonflé le nombre d'hôtes lors de leurs lugubres pince-fesses. Quand ils avaient dix invités, ils auraient prétendu en avoir nourri le double. Cette dernière tricherie, la plus simple, leur aurait rapporté au moins 10 000 euros en trois ans, selon les calculs des inspecteurs.

Qu'est-il alors arrivé à l'ambassadeur Terral ? Rien de bien méchant. Il a été convoqué à Paris. Il a admis « quelques maladresses ». Le directeur général de l'administration lui a écrit une lettre bien sentie. Et c'est tout. « Comme il devait partir à la retraite quelques semaines plus tard, on l'a laissé terminer son mandat4 », explique un haut responsable du ministère. Sans sanction ni dépôt de plainte. On a bien imaginé lui faire rembourser à l'administration au moins les 10 000 euros correspondant à ses invités imaginaires. Selon le principal intéressé5, le Quai « n'est pas allé jusque-là » puisque « le dossier était totalement vide », l'affaire n'étant qu'une « cabale » contre lui. En tout cas, il est parti à la retraite s'occuper de ses vignes en Charente après avoir été discrètement remplacé au Luxembourg par un certain Guy Yelda, un diplomate désœuvré, qui avait connu François Hollande à l'ENA.

Pendant des décennies, le Quai d'Orsay a totalement fermé les yeux sur les petits arrangements avec les frais de représentation alloués aux ambassadeurs – frais qui atteignent aujourd'hui, selon les postes, entre 10 000 et 200 000 euros par an, le maximum étant réservé au représentant aux Nations unies à New York. Jusqu'en 1999, « il était on ne peut plus simple de grignoter quelques dizaines de milliers d'euros chaque année6 », confie un important diplomate. Le ministère versait la somme directement sur le compte personnel de l'ambassadeur, lequel n'avait jamais à justifier de son utilisation ! Les « indélicats » étaient donc libres de n'en dépenser qu'une partie dans le cadre de leurs fonctions et de garder la différence. « Il était de notoriété publique que certains, parfois très bien notés, profitaient du système pour servir de la piquette ou des frites surgelées à leurs invités, révèle un diplomate. C'était désastreux pour l'image de la France dans le pays hôte, mais pas interdit7. »

 

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