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20 avril 2017 4 20 /04 /avril /2017 14:24

Allusions « malsaines »

En matière de sanctions, l'histoire récente du Quai est également marquée par l'affaire Dahan. Pour comprendre son importance, il faut rappeler qu'au ministère des Affaires étrangères les commissions de discipline se réunissent par grades : secrétaires, conseillers, etc. Et aussi incroyable que cela paraisse, la commission de discipline des ministres plénipotentiaires – niveau le plus élevé dans la hiérarchie des diplomates – ne s'est réunie qu'une seule fois : le 7 décembre 2010, et justement au sujet de l'ambassadeur Paul Dahan, représentant de la France auprès du Conseil de l'Europe, à Strasbourg. Celui-ci est ministre plénipotentiaire de deuxième classe mais – est-ce un hasard ? – pas énarque. Quand l'affaire débute, il est en poste depuis un an.

Jusque-là, il a fait une carrière plus qu'honorable, puisqu'il a été conseiller diplomatique du premier patron de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI13), Bernard Squarcini. Mais son passé dans la police ne le protège pas. À l'évidence, il est allé trop loin. Une élève de l'ENA, qui faisait son stage à la représentation à Strasbourg, l'accuse par écrit de harcèlement moral. Alertés par la missive, les inspecteurs collectent sur place plusieurs témoignages accablants.

Dans leur rapport du 20 septembre 201014, ils affirment que l'ambassadeur Dahan aurait multiplié, et depuis longtemps, les blagues et les allusions « malsaines ». « Le face-à-face entre le diplomate et la stagiaire de l'ENA durant la commission de discipline était particulièrement pénible15 », témoigne l'un des participants. « Je ne comprends pas pourquoi elle ment16 », assure Paul Dahan, qui reconnaît l'avoir « engueulée pendant une demi-heure pour avoir mal rédigé un télégramme, mais rien de plus ».

À l'unanimité, la commission de discipline, présidée par le directeur général de l'administration, Stéphane Romatet – futur conseiller diplomatique de Manuel Valls à Matignon –, décide que ce comportement, « gravement fautif, altère sérieusement la réputation du corps des hauts fonctionnaires auquel [Paul Dahan] appartient ». Elle estime qu'« une sanction exceptionnelle doit être prononcée ». Comme l'ambassadeur a soixante-deux ans, elle propose sa mise à la retraite d'office, condamnation la plus grave après la révocation. C'est chose faite par décision du Conseil des ministres, le 10 septembre 2010.

Dans la foulée, Paul Dahan est remplacé par un ancien conseiller de Paris un temps impliqué dans l'affaire des faux électeurs du IIIe arrondissement17, Laurent Dominati, que Nicolas Sarkozy avait exfiltré comme ambassadeur au Honduras et qui, après trois ans d'exil, était impatient de retrouver la France. Après

Allusions « malsaines »

En matière de sanctions, l'histoire récente du Quai est également marquée par l'affaire Dahan. Pour comprendre son importance, il faut rappeler qu'au ministère des Affaires étrangères les commissions de discipline se réunissent par grades : secrétaires, conseillers, etc. Et aussi incroyable que cela paraisse, la commission de discipline des ministres plénipotentiaires – niveau le plus élevé dans la hiérarchie des diplomates – ne s'est réunie qu'une seule fois : le 7 décembre 2010, et justement au sujet de l'ambassadeur Paul Dahan, représentant de la France auprès du Conseil de l'Europe, à Strasbourg. Celui-ci est ministre plénipotentiaire de deuxième classe mais – est-ce un hasard ? – pas énarque. Quand l'affaire débute, il est en poste depuis un an.

Jusque-là, il a fait une carrière plus qu'honorable, puisqu'il a été conseiller diplomatique du premier patron de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI13), Bernard Squarcini. Mais son passé dans la police ne le protège pas. À l'évidence, il est allé trop loin. Une élève de l'ENA, qui faisait son stage à la représentation à Strasbourg, l'accuse par écrit de harcèlement moral. Alertés par la missive, les inspecteurs collectent sur place plusieurs témoignages accablants.

Dans leur rapport du 20 septembre 201014, ils affirment que l'ambassadeur Dahan aurait multiplié, et depuis longtemps, les blagues et les allusions « malsaines ». « Le face-à-face entre le diplomate et la stagiaire de l'ENA durant la commission de discipline était particulièrement pénible15 », témoigne l'un des participants. « Je ne comprends pas pourquoi elle ment16 », assure Paul Dahan, qui reconnaît l'avoir « engueulée pendant une demi-heure pour avoir mal rédigé un télégramme, mais rien de plus ».

À l'unanimité, la commission de discipline, présidée par le directeur général de l'administration, Stéphane Romatet – futur conseiller diplomatique de Manuel Valls à Matignon –, décide que ce comportement, « gravement fautif, altère sérieusement la réputation du corps des hauts fonctionnaires auquel [Paul Dahan] appartient ». Elle estime qu'« une sanction exceptionnelle doit être prononcée ». Comme l'ambassadeur a soixante-deux ans, elle propose sa mise à la retraite d'office, condamnation la plus grave après la révocation. C'est chose faite par décision du Conseil des ministres, le 10 septembre 2010.

Dans la foulée, Paul Dahan est remplacé par un ancien conseiller de Paris un temps impliqué dans l'affaire des faux électeurs du IIIe arrondissement17, Laurent Dominati, que Nicolas Sarkozy avait exfiltré comme ambassadeur au Honduras et qui, après trois ans d'exil, était impatient de retrouver la France. Après

quoi, en vertu de l'article 40 du Code de procédure pénale, le Quai d'Orsay dénonce Paul Dahan au procureur de la République, le 20 octobre 2010. En octobre 2012, l'ex-ambassadeur est mis en examen pour « harcèlement moral ». Il attend son jugement.

 Épouses tyranniques

Cette affaire a marqué le début d'un changement d'attitude du ministère à l'égard du harcèlement. « Parfois on découvre des chefs de poste complètement dingues, qui traitent leurs collaborateurs n'importe comment, raconte un ancien inspecteur. Souvent ils ne font que reproduire ce qu'ils ont subi d'un patron tyrannique18. » Là encore l'administration a longtemps fermé les yeux. Et puis la loi sur le harcèlement a changé et a durci les peines, en France comme dans beaucoup de pays. Si bien que ce type de déviance peut désormais coûter très cher au harceleur et à son employeur, le ministère des Affaires étrangères. C'est pourquoi le Quai scrute désormais avec attention le comportement des ambassadeurs mais aussi celui de leur... conjoint.

Ces dernières années, plusieurs ont été rappelés à Paris et mis au placard – au moins pour un temps – à cause du style tyrannique ou déplacé de leurs femmes. Dans un pays d'Europe, l'épouse d'un chef de poste jetait régulièrement de la vaisselle à la tête du cuisinier et de l'intendant. Le couple a été rapatrié. Autre cas, qui concerne un diplomate de droite, énarque et toujours très en vue : à peine arrivée dans une nouvelle résidence, son épouse a pris l'habitude de faire licencier la moitié du personnel de maison, recruté localement, même ceux qui sont là depuis des décennies. À la troisième incartade, en 2014, l'ambassadeur en question a été discrètement alerté par l'un de ses collègues : sa carrière risquait de souffrir du comportement tyrannique de sa chère et tendre. À ce jour, la dame n'a pas changé ses manières.

Ces affaires de harcèlement sont si menaçantes pour la réputation et les finances du Quai d'Orsay que Laurent Fabius a décidé de nommer un médiateur, chargé de recueillir les plaintes et de déminer les dossiers le plus tôt possible. ...

La face cachée du Quai d'Orsay de Vincent Jauvert ( Robert Laffont 2016)

 

 

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