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25 octobre 2011 2 25 /10 /octobre /2011 21:42
PIERRE-YVES MARZIN  FLASHBACK, L’ACTUALITÉ DE LA CINEPHILIE ( Libération )
Les révoltés de l’autodafé mexicain
Face à la volonté de la Cinémathèque de Mexico de détruire 35000 bobines de films, la résistance s'organise.
PIERRE-YVES MARZIN 
Mexico envoyé spécial
«Pour les Mexicains, la mémoire n’a aucuneimportance. Les archives de la nation pourrissent, elles sont pleines de champignons, on veut les déplacer sans arrêt. Quand elles ne sont pas purement et simplement détruites.» Installée à Mexico depuis 1978, Sibylle Hayem, ingénieure du son française, a consacré ses travaux aux traditions mexicaines. Et de rappeler une curieuse manie,née au temps des Aztèques qui, tous les cinquante-deux ans, lors de la traditionnelle fête du Nouveau Feu, saccageaient leurs pyramides et leurs biens. Les colonisateurs espagnols détruisirent à leur tour le codex préhispanique.
Cette «tradition» de la destruction a traversé les siècles. Et si les archives ont été sauvegardées, c’est grâce aux soins d’individus isolés. Sibylle Hayem est de cette espèce, plutôt rare au Mexique. Son dernier combat remonte à quelques mois:sauver 35000 bobines de films d’une destruction réclamée par la direction de la Cinémathèque, sous prétexte d’un règlement absurde.
A la poubelle. Janvier 2000:la nouvelle directrice de la Cinémathèque de Mexico,Luz Fernandez de Alba,décide que l’institution doit disposer d’une collection permanente de 200 films,pas un de plus,pas un de moins. Or, pendant de nombreuses années,des réalisateurs, des producteurs et les services culturels des ambassades en place au Mexique avaient fait don à la Cinémathèque de milliers de films.
Hélas, ils sont entrés dans les archives sans que l’administration de la Cinémathèque n’en accuse réception. Officiellement, ils n’existent donc pas.La direction prend alors la décision de jeter à la poubelle «l’excédent», soit 35000 bobines,des images, des positifs, des négatifs, des bandes magnétiques.
La décision tombait à point nommé: le parti au pouvoir (PRI) venait de perdre la présidentielle et toutes les institutions gouvernementales devaient être remises en parfait état de marche au parti vainqueur (PAN). Les films entrés sans trace officielle dans les archives, preuve du laxisme administratif,pouvaient être détruits en toute impunité.
Le 23 novembre commence le défilé des camions-poubelles.
Alerté par une voix indiscrète,Gerardo Ortiz Trejo, conservateur auprès de l’Institut mexicain du cinéma (Imcine) arrive à la Cinémathèque avec des camions de déménagement et quelques chauffeurs. Il récupère en douce les bobines et les emporte pour les planquer dans l’entrepôt de l’Imcine.
«Mais cet institut n’a pas la vocation de conservation, il sert à distribuer les copies de films mexicains à l’intérieur du pays et à l’étranger, explique Sibylle Hayem. Les films sont gardés à une température de 12° avec 50% d’humidité. Il n’y a pas vraiment la place pour entreposer 35000 bobines de plus.»
La direction de la Cinémathèque réagit aussitôt et somme Gerardo Ortiz de brûler les 35000 bobines.Il est menacé de licenciement s’il rend publique la nouvelle.Dans une folle course contre la montre, il identifie une centaine de bobines comme étant des chutes sans valeur, les rassemble et les brûle en public.Les autres sont à l’abri.Entretemps,Alfredo Joskowicz, ex-directeur des studios Churubusco Azteca qui,à Mexico, incarnent l’âme du cinéma local,est nommé directeur de l’Imcine.Le 3 avril, il décide de venir en aide à Gerardo Ortiz et d’établir une politique cohérente de conservation des films entre toutes les institutions concernées.
Accord in extremis? Fin du cauchemar? Pas du tout.«Selon la loi, poursuit Sibylle Hayem, les images sont développées dans des laboratoires qui doivent conserver les négatifs.Au fil des années, des dizaines de producteurs indépendants ont travaillé avec Filmolaboratoires, qui a entreposé depuis 1951 les négatifs dans un immeuble de trois étages. Patricia Millet, la propriétaire de l’immeuble, a annoncé que des bulldozers détruiraient bientôt l’entrepôt. Elle demande aux producteurs et réalisateurs d’emporter leurs films.Pour l’heure, seuls les héri- tiers de Fernando de Fuentes et la famille Gazcón sont venus retirer leurs bobines pour les remettre à l’Unam
En attendant,personne ne sait ce qu’il adviendra des trésors enfermés dans l’entrepôt. In extremis, les bulldozers ont rebroussé chemin et certains négatifs, considérés comme les plus précieux,ont été entreposés dans un local prêté par un voisin. Pour combien de temps? L’Imcine négocie et fait le forcing: qui pourrait se charger de l’ensemble des négatifs,et aussi des bobines-son, les pépites d’or du cinéma mexicain,dont personne ne semble vraiment se soucier.
LUC DELANNOY VENDREDI 24 AOUT 2001 LIBERATION  p 27 CULTURE
Sibylle Hayem, à la recherche du son perdu
Cette Française tente de restaurer les trésors des musiques de films.Jusqu’à la fin des années 60, le Mexique était, après l’Inde et les Etats-Unis, le troisième producteur de cinéma au monde avec près de 180 films par an
en moyenne. Pourtant, Sibylle Hayem s’est aperçue qu’il n’existait aucun disque de musique de films mexicains.Explication aux Studios Churubusco Azteca:«Je suis tombée sur une pièce bourrée de bobines puantes. Les masters des bandes sonores avaient été oubliés.Personne ne savait. Les autorités voulaient s’en séparer à cause de l’odeur.» Virus du vinaigre. Au Mexique, la musique de film a d’abord été enregistrée sur des disques en aluminium.Dans les années 50,ils furent remplacés par des bandes magnétiques.Victimes du virus du vinaigre,ces bandes sont en train de pourrir.«Il m’a fallu un an pour faire comprendre aux autorités qu’il y avait des trésors à restaurer.
Comme à Hollywood, les studios de Churubusco étaient très fermés et seuls quelques compositeurs y avaient accès.Et il n’y a ni partitions ni répertoire de tous les trésors qui furent enregistrés. J’ai restauré une bande pour l’envoyer au directeur des studios,Alfredo Joskowicz,qui m’a engagée sur le champ pour continuerla restauration.»
Première découverte: 80 des 156 musiques de Raul Lavista,l’héritier des pères du musical mexicain.Deuxième découverte,90 bandes de Manuel Esperón qui a composé pour plus de 600 films. «Esperón a débuté en accompagnant au piano les films muets, rappelle Sibylle Hayem.
Ses compositions font partie de l’inconscient populaire, il a composé pour les films la Mujer del Puerto (1933) –considéré comme le premier film parlant mexicain– Ay Jalisco,no te rajes (1942), Amorcito Corazón
(1960)… Il a aussi composé pour Jorge Negrete et Pedro Infante. Il a aujourd’hui 90 ans, je l’ai invité à venir écouter ses bandes qu’il découvrait après toutes ces années

Inédits. Troisième découverte:des musiques et des chansons inédites de Perez Prado,Libertad Lamarque, César Costa,Chico O’Farrill,Cuco Sanchez,Pedro Infante… «A partir du film Allá en el Rancho Grande(1936) de Fernando de Fuentes, le cinéma mexicain acquiert un style unique qui mélange le playback et la musique de fond.Dans tous les films, il y a des chansons interprétées par les vedettes de l’époque.Personne ne veut croire que Perez Prado a composé des musiques de fond, il a pourtant fait la musique de Desnudarse y Morir  de Miguel Morayta (1966) et A Fuego Lento de Juan Ibañez (1978).Chico O’Farrill a composé pour Mexico Nunca Duerme de Alejandro Galindo (1958).»
Avec toutes ses découvertes, Sibylle Hayem espère monter une phonothèque.Elle serait l’une des plus belles du monde l L.D.
Les entrepôts de la Cinémathèque de Mexico.  Sibylle Hayem, ingénieure du son française, vit à Mexico depuis 1978.
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