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  • : " Le bonheur se trouve là où nous le plaçons: mais nous ne le plaçons jamais là où nous nous trouvons. La véritable crise de notre temps n'est sans doute pas l'absence de ce bonheur qui est insaisissable mais la tentation de renoncer à le poursuivre ; abandonner cette quête, c'est déserter la vie." Maria Carnero de Cunhal
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22 octobre 2017 7 22 /10 /octobre /2017 19:49

Comme en filigrane derrière ces petits tas de secrets émiettés là dans ces 70 pages illustrées par Pierre LE TAN grand dessinateur (fils du non moins immense peintre indochinois LE PHO) il y a des fils à dénouer dans " Memory Lane " ce roman daté de 1980, de (Jean) Patrick Modiano né en 1945 ,(trois années avant moi à Paris) "Il y a là toute la quintescence de Modiano: des souvenirs entre chien et loup, un parfum d'intrigues illicites, les nostalgie d'un passé dont on se rappelle les apparences fugitives, et derrière lesquelles on soupçonne des drames, de rudes amours, des angoisses et des plaisirs sans amour" écrivait JF Josselin dans ce qui était alors le Nouvel Obs.

Le titre d'abord Memory Lane chanson du Kentucky natal que fredonne Dough et reprise par tous les personnages comme un long et lancinant leitmotiv

Une dédicace en page 7 au Dr Nguyen Manh Don d'abord n'est pas sans intriguer le lecteur qui veut en savoir plus sur ce "médecin mondain" du 7 rue Bonaparte dans le 6è, grand collectionneur et amateur de peintures puisque le grand Matisse lui a dédicacé un tableau: "A mon sauveur" pour avoir bénéficié de ses soins en acupuncture là où il excellait et pratiquait depuis les années 30.

Les liens obscurs d'Albert Modiano du Quai Conti avec le Docteur, un voisin en somme, ne nous sont que révélés par bribes dans les dessins  de Pierre Le TAN ou au détour d'une phrase inachevée du Prix Nobel.

Alors par quelle goût du mystère et du hasard des mots posés là par le narrateur, vais-je tenter de saisir les dessous d'une histoire ni totalement vraie ni totalement fictive..?

Laissons Modiano nous conduire: "Je me demande par quelle mystérieuse chimie se forme un "petit groupe": tantôt il se disloque très vite, tantôt il reste homogène pendant plusieurs années, et souvent à cause du caractère disparate de ses membres on pense aux rafles de police qui rassemblent de minuit à l'aube des individus qui ne se seraient jamais rencontres sans cela."

Le petit groupe que j'eus le loisir d'observer à vingt ans, je n'en étais pas un membre effectif. Je l'ai côtoyé et cela m'a suffi pour en garder un souvenir assez net.."p.9

Au détour du récit on trouve une Maddy (Madeleine) qui a fui Saumur à 18 ans avec une amie pour venir à Paris...s'adonne à la peinture...Des hommes qui entrainent deux Suédoises en villégiature à Paris vers un hypothétique hôtel de la Plage en banlieue parisienne et rient de leur audace face aux deux ingénues...

Il y a là un maquignon marchand de chevaux qui gagne bien sa vie  et jadis put-être avocat qui sait...

On y pratique le Golf et surtout le tennis à Neuilly comme d'autres Quai Branly ou en bordure du Bois de Boulogne à Roland Garros ou à la Baule...

Et puis souvent se joignait un Indochinois, fils d'un ancien ministre du dernier empereur d'Annam et qui était marié à une Marseillaise, une certaine "Pilou"...

Dô l'indochinois avait englouti beaucoup d'argent dans l'achat d'un petit aérodrome désaffecté , proche du Cannet.

Il avait été parait-il le pilote personnel de sa Majesté l'Empereur Bao Daï (comme le Docteur Manh Dôn fut le secrétaire particulier du même Empereur...)

On y croise aussi un administrateur de la Comédie Française qui tutoie Claudio Delval.. On pourrait penser à Jean Meyer et à Marcel Achard...

Mais comme conclut Patrick Modiano (ou le narrateur) entre deux soupirs  au terme de ce récit :

" J'avais même employé une image qui l'amusa beaucoup: Il avait été comme la seiche, qui, sentant venir le danger, jette pour brouiller les pistes un nuage d'encre noire."

Quel plus bel aveu d'écrivain que ce nuage jeté sur ses personnages d'un récit qui s'estompe peu à peu et retrouve tout son mystère. A quoi bon réveiller tous ces souvenirs...

L’homme n’est rien, une buée, une ombre absorbée par les ombres”. Truman Capote

 

 

Dô par Pierre LE TAN

Dô par Pierre LE TAN

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17 octobre 2017 2 17 /10 /octobre /2017 14:47

Le Who's Who nous apprend que MANH DON (NGUYEN) Médecin. Né le 21 juillet 1911 à Huong Mai (Indochine) Fils de Nguyen Man Fonctionnaire. Chef de service des Postes et de Mme Née Nguyen Thi Ngo. Divorcé ( 1 enfant: NGUYEN TRONG KY, née NGUYEN THI MINH  DUC  Hanoï (Nord Vietnam) 04-08-1933  Etudes: Lycée et Université de Hanoï . Faculté de Médecine de Paris de 1934 à 1939. Diplôme Docteur en médecine en 1940. Carrière: Médecin spécialisé de l'Acupuncture chinoise à Paris depuis 1930. Chargé de la consultation d'acupuncture à l'Hôpital Lariboisière Admi 12591. Chevalier de la Légion d'honneur; Officier de l'Ordre National du mérite. Violon d'Ingres: la peinture. Adresse Hôtel de la Préfecture  89000 Auxerre. Privée; 52 rue d'Auteuil 75016 PARIS et 21420 Savigny les Beaune. Décédé en 1978 et inhumé au cimetière du Montparnasse.

Domicilié en 1943 au 7 rue Bonaparte dans le VIème arrdt de Paris (donc très proche du Quai Conti où résidait Alberto Modiano),

Un dessin de Pierre Le Tan montre sa chambre (ou son cabinet) envahie de tableaux;

Le docteur Manh-Don, trait d'union entre Patrick Modiano et Pierre Le-Tan
C’est "à la mémoire du docteur Nguyen-Manh-Don" qu’est dédicacé Memory Lane, le récit de (Jean) Patrick Modiano accompagné de dessins de Pierre Le-Tan publié en 1981.

Il s’agit d’un personnage réel, un médecin vietnamien que connurent à la fois les parents de Modiano ( Alberto Modiano ) et ceux de Le-Tan à Paris (LE PHO) , pendant la seconde guerre mondiale.

Patrick Modiano l’évoque dans un texte sur Pierre Le-Tan ("J’ai connu Pierre Le-Tan…") : le père du dessinateur (Le Pho), alors jeune peintre vietnamien, "avait lié amitié avec mes parents pendant l’Occupation, à Paris, ainsi que tout un groupe d’autres artistes, comme les peintres Maï-Thu et Vu-Cao-Dam, et le mystérieux docteur Manh-Don qui introduisait l’acupuncture en France, et qui, à l’époque, était acteur de cinéma et avait joué dans le film de Georg-Wilhelm Pabst : Le Drame de Shangaï."

De son côté, Pierre Le-Tan consacre un chapitre de Paris de ma jeunesse (album dont Modiano a justement signé la préface) à ce mystérieux personnage, rebaptisé pour l’occasion docteur Van Son.
Il était "le meilleur ami de mon père, écrit Le-Tan. Ce médecin mondain aux allures de play-boy était pour mon frère et moi une figure mythique. (…)
Je pourrais décrire son appartement de la rue de l’Université avec précision. (…) Dans le petit salon, (le tableau) qui m’impressionnait le plus était un dessin de Matisse au dessous duquel le maître avait inscrit: « Au docteur Van Son, mon sauveur ». (…)
Cet homme qui nous appelait « mon petit chat » avait l’aura d’une vedette de cinéma – il avait d’ailleurs joué dans un film de Pabst. (…)

1938 - Le Drame de Shangaï de Georg Wilhelm PABST
"De tous les vietnamiens Van Son était le plus « parisien
». Et pourtant il était resté profondément oriental. Un bonze l’accompagnait pour son dernier voyage au cimetière du Montparnasse, et l’empereur Bao Daï dirigeait le cortège."

1940 Thèse... par Nguyen-Manh-Don... Contribution à l'étude de la défense médico-sociale contre la tuberculose en Indochine... [Texte imprimé]
Publication : Paris, E. Le François, 1940. In-8°, 182 p., fig.

Sur cette photo du Journal "le Matin" du 10 février 1941, on voit l'actrice Mlle Fun Sen (femme de Léo Jeannon) entourée de TRAN BA HUY,TRAN HUU TUOC,NGUYEN MANH DON,LE DINH THI,DAO NGOC TOAI

Le 8 mars 1949 lors des Accords de l'Elysée pour la formation du Vietnam national  il est signalé comme le secrétaire particulier de l'Empereur Bao Daï aux côtés du Prince Vinh Cuong, du prince Buu Loc et de TranVan Hûu lors de la signature avec le Président Vincent Auriol et le premier Ministre Henri Queuille.

Philippe Devillers l'atteste dans les Indes Savantes (Mémoires, Journal et articles (2010) sur les souvenirs de sa  période indochinoise de 1945 à 1969 :

"Mais en même temps Bao Dai réorganisait son équipe. Comme Phan Huy Dan et Dinh Xuan Quang étaient maintenant ministres de Xuân à Saigon,il prit avec lui cette fois d'autres collaborateurs: Buu LOC, Nguyen Dac Khe, Pham Van Binh,Nguyen Manh Dôn, je les connaissais tous"

En 1954-1955 il est un Vénérable Maître de la Loge du Portique (franc maçon) 1910-2010

Dans le fonds de l'écrivain, acteur et auteur dramatique Marcel Achard, (1899 - 1974) on trouve une abondante correspondante avec la famille du Dr Nguyen Manh Don, ami proche du couple Achard, témoigne du quotidien et de la vie d'une famille vietnamienne de 1943 à 1978. Lire Le Vietnam:une histoire de transferts culturels de Hoai Huong Aubert Nguyen  et Michel Espagne (Demopolis)

Mon ami Joel PHAM infatigable mémorialiste de la présence indochinoise et eurasienne en France m'informe de cet article : (Source : https://www.maguytran-pinterville.com/arts/vu-cao-dam-le-benjamin-de-l-esbai/ )

" Vu CAO DAM  grand sportif, tennisman,et marathonien cycliste doit pédaler dans la nuit  tout au long des120 kms qui le séparent de Paris.

Le Dr Nguyen HUY TUOC sera le parrain de Michel qui naît en 1941 et Le PHO  celui de Yannick qui naît en 1942. Son cercle d'amis vietnamiens comprend aussi Le Thi LUU qui habitait au pavillon de Gentilly.

En 1944, il installe sa famille à Vanves, aux portes de Paris 15è rue du Parc Fairet , il occupe un atelier et un appartement au 6è et 7è étage.Son ami Maï Trung THU habite au 5è du même immeuble .Il joue presque tous les jours au tennis avec son ami le Dr Manh DON , premier médecin titulaire d'une chaire d'acupuncture à Paris. Le docteur était aussi  le médecin de Matisse dont un dessin  trônait fièrement dans son cabinet: "Au Docteur Manh Don mon sauveur".

A cette époque, Manh Dôn est déjà un collectionneur et amateur de peinture.

Voilà qui montre bien comme le souligne justement Joël Pham :"Tous ces gars se connaissaient très bien" et de là à connaître aussi les mêmes filles....

On revient donc au fameux " Charles Henri " de tantine (qui ne s'appelait sans doute ni Charles ni Henri ! ) et je vous renvoie pour une petite révision à mon bouquin : L'Affaire Charles Henri ou les aléas d'une génalogie franco indochinoise parue chez Amalthée.2011) aujourd'hui épuisé et donc en mise à jour et actualisation. A suivre.

 

Affaire Charles-Henri

Affaire Charles-Henri

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22 juin 2017 4 22 /06 /juin /2017 17:05

On le croyait fini, grotesque, carltonisé, balancé au musée des préjugés genrés et autres vieilleries du XXe siècle. Et voilà que le vieux mâle à poitrail poivre et sel reprend de la vigueur ! Gonflé à bloc, éternellement bronzé, grivois et prodigue, il est prêt à satisfaire toutes les exigences de ces demoiselles, moyennant quelques gris-gris et menues customisations.

Selon l’Institut national des études démographiques, le taux de divorce après un mariage de plus de trente-cinq ans a été multiplié par deux en dix ans et par neuf en quarante. En 2014, 13 947 hommes âgés de 60 ans et plus ont divorcé en France. En 2004, ils n’étaient « que » 8 203. Quoi de plus désolant que la séparation d’un couple grisonnant ayant traversé, main dans la main, les joies et les galères de l’existence ? Quel triste exemple pour la jeunesse amoureuse ! A quoi bon commencer à s’aimer si tout doit tourner en eau de boudin peu avant la ligne d’arrivée? D’autant que la propagande ambiante est clairement en défaveur de la monogamie.
Sociologues, neurobiologistes, publicitaires à barbiche, nous martèlent que l’amour dure trois
ans. Ils nous préparent ainsi au juteux marché de la séduction old style. D’autres évoquent le
« syndrome du conjoint retraité », pour expliquer une soudaine intolérance. Comme si des époux ayant survécu à la poisse, à l’adultère et aux pénalités bancaires devenaient soudain
deux fauves se disputant la barbaque sur le même territoire. On peine à le croire, d’autant que l’arrivée de petites bedaines (ménopause et andropause) devrait contribuer à ralentir la libido des amants. En réalité, la seule explication plausible à l’explosion des divorces chez les seniors est, selon nous, l’autorisation de la mise sur le marché du funeste Viagra, premier médicament du traitement de l’impuissance, en 1998 aux Etats-Unis et 1999 en Europe. Dix ans plus tard, les petites pilules bleues rapportaient 1,92 milliard de dollars à leurs promoteurs. Tandis que la vigueur sexuelle artifciellement rendue aux vieux mâles déployait ses funestes effets pervers sur la paix des ménages…

Julie de los RIOS ( in Marianne 23-29 Juin 2017)
 

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16 juin 2017 5 16 /06 /juin /2017 11:51

Lettre d'un jeune acteur qui ne supporte plus les metteurs en scène en guerre contre les œuvres, la beauté et le goût du public.
Où aller pour rêver  ? Pour voir l’impossible  ?

Dans quel théâtre se rendre pour échapper à notre platitude quotidienne ?

Sur les scènes des théâtres publics ou à l’opéra, de folles et grandes œuvres sont pourtant montées comme  Phèdre, Roméo et Juliette, Le Misanthrope, Lohengrin, Iphigénie en Tauride et Samson et Dalila ! Montées ?... ou plutôt démontées. En effet, une majorité de metteurs en scène s’attache à anéantir, à piétiner la dimension onirique et poétique de ces chefs-d’œuvre.
Au théâtre et à l’opéra, lieux à part et hors du temps, lieux de tous les possibles, lieux des rêves les plus fous, de la possible démesure, le rideau s’ouvre trop souvent sur la tristesse d’un décor sage, réaliste et dépouillé (lorsque décor il y a), et sur des acteurs en costume/cravate ou jean/baskets. Le rideau de velours rouge s’ouvre (si le théâtre en dispose encore) pour n’offrir à nos yeux que notre quotidien le plus banal sur la scène de ces temples sacrés, pour les plus anciens, faits de rouge et d’or.
La mode est malheureusement au réalisme bas de gamme, au refus de la beauté, de la sophistication et de l’artifice. L’acteur aussi, contraint par le metteur en scène, joue de manière sobre et raisonnable. Ce n’est même plus la vie quotidienne que l’on voit sur la scène, mais encore moins que cela. Ce n’est même pas du réalisme, mais du sous-réalisme. Et le théâtre subventionné n’a plus le monopole de cette grisaille, qui contamine malheureusement de plus en plus de théâtres privés programmant, comme honteux de présenter des divertissements populaires, des spectacles « sérieux » en espérant ainsi redorer leur image. Voilà la mort du spectacle ! Le théâtre sérieux, le théâtre raisonnable. C’est ainsi que, gouverné par la dictature du bon goût, notre monde passe à côté de ses artistes les plus immenses. Je pense notamment à Michel Galabru, cet acteur de génie qui, malgré l’amour des Français pour lui, aura toute sa carrière durant été méprisé et rangé dans la case des «  ringards  » par le microcosme des «  gens de théâtre et de cinéma  » branchés, faiseurs, fins politiques. Quand il jouait, tout était profondément tragique, voilà pourquoi il était un grand acteur comique, peut-être le plus grand. Dans un siècle, les grands acteurs comiques et populaires sont rares. En ignorer et en mépriser ouvertement un tel que lui est un crime contre l’art. Quel théâtre national, quel metteur en scène vedette du subventionné lui aura donné de grands rôles après sa sortie de la Comédie-Française à l’âge de 35 ans ? Depuis Jean Vilar au festival d’Avignon en 1961 avec Les Rustres de Goldoni, il n’y aura eu que Jérôme Savary. Et voilà de quelle manière le public se retrouve privé de ses acteurs les plus magnifiques dans de grands rôles à leur mesure.
Sully, sur la scène de la Comédie-Française, rugissait, bondissait, se ramassait, miaulait, grondait, s’étirait, giflait le vide, le broyait et qu’il « offrait ensemble le spectacle d’un dompteur qui cravache un lion, et du lion forcé d’obéir ». Les acteurs ont été, ne l’oublions pas, des personnages hors du commun, des personnages qui fascinaient les foules. Pouvons-nous en dire autant aujourd’hui ? À quelques exceptions près… Il y a Gérard Depardieu. Ce monstre sacré bouleverse et fascine le peuple. Cet ogre sublime, libre, nous donne l’impression d’appartenir à la race des dieux. Tout ce que les petits artistes jaloux et lyncheurs lui reprochent, le peuple le lui pardonne, car il remplit sa mission d’artiste auprès d’eux : il les fait rêver !
Par Yannis Ezziadi in Causeur  Juin 2017 p.78

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14 juin 2017 3 14 /06 /juin /2017 13:38

Universalité de la pensée africaine

Le fait dominant de ce dernier quart du XXè siècle aura été l’irruption du Continent africain sur la scène internationale avec ses ressources et ses valeurs séculaires. La civilisation de demain devra s’enrichir des vertus complémentaires de toutes les communautés humaines sans ségrégation. Lors de trois séjours « africains » au Sénégal, au Niger et en Tunisie ,dans le cadre de la Coopération Culturelle Scientifique et technique (DGRCST)  il m’a semblé que cette assimilation des connaissances et des techniques nouvellement acquises était la préoccupation majeure des institutions d’enseignement  avec lesquelles j’ai pu travailler et par là même de l’ensemble des éducateurs de ce continent lancés dans la recherche d’un homme nouveau, à la fois héritier de sa civilisation mais aussi ouvert aux techniques les plus modernes.

Je garde encore en mémoire les souvenirs de ces multiples rencontres où par le rapprochement des hommes dans un effort solidaire, se construit lentement cet « Humanisme » de demain pour lequel tout éducateur doit œuvrer.

Qu’il me soit permis ici, au sein de l’AMIFRAM,(Association des professeurs de français du Mexique et par son « Bulletin spécial Afrique francophone» N°21 1982 de renouveler à mes amis de ce continent lointain (attachement aux idéaux énoncés lors de ce  Congrès international de l’Education de Dakar (1970), et de rappeler  quelques conclusions de celui-ci sur un projet de « Civilisation de l’Universel », toujours actuel.

Doit-on en changer une ligne ?

Une civilisation de l’Universel

Par civilisation nous entendons nous Français, l’acquis matériel, moral et spirituel d’un milieu historique ou géographique déterminé. Par culture , la prise de conscience de cet acquis et, plus particulièrement, l’attitude collective et critique de l’intelligence  et de la sensibilité tant individuelle que collective ; toute culture implique ainsi un humanisme.

Toute civilisation est formée d’un ensemble de faits, de réalités, de notions, de croyances, de techniques, d’actions et de pensées, de conceptions considérées comme les « instruments » nécessaires à la vie même de la société en cause.

Alors que la « civilisation » relève  du collectif et du général , de l’anonyme pourrait-on dire, la « culture »  c’est la pensée qui s’élevant jusqu’à la prise de conscience des faits de civilisation, soumet ceux-ci à son travail d’analyse objective  de critique, de mise en question et par là même donne naissance au mouvement permettant les bonds en avant et les dépassements du donné objectif de la civilisation.

Même si l’effort d’adaptation amène toute civilisation à se transformer, le statisme prédomine dans les sociétés traditionnelles. Au contraire, le dynamisme s’affirme et s’accélère dans les sociétés modernes. Elles sont animées d’un mouvement qui fait prédominer entre elles les transformations au détriment  des aspects d’héritage et transmission. Dans le même mouvement certaines structures collectives contraignantes se défont et se manifestent des tendances et des mouvements anticonformistes, anti-dogmatiques, au profit de l’individualisation et de l’affirmation de la personne humaine.

Ce qui trouve une vérification expérimentale dans le fait que notre époque est caractérisée par un esprit critique vif et très généralisé, plus particulièrement aigu chez les jeunes, plus sensibles au présent et à l’avenir plutôt qu’au passé.

Les sciences et les techniques se sont imposées dans un nombre de plus en plus grand de sociétés, ébauchant ainsi une sorte de civilisation « planétaire », c'est-à-dire civilisation à dimension de la planète et marquée par des uniformités et de fortes interdépendances.

De cette civilisation planétaire pouvons nous atteindre les bases, les fondements d’une civilisation universelle, c'est-à-dire d’un ensemble de sciences, de techniques, d’institutions, de valeurs reconnues, voulues, assumées par tous les hommes de notre temps parce que moyen de justice et de paix.

Dans l’état actuel des choses, bien des obstacles se dressent ; les structures d’oppression ancienne se sont renforcées et de nouvelles se sont formées, aboutissant à des aliénations multiples et profondes ; les techniques et même les sciences mettent en question sur de nombreux plans, les conditions de liberté ; au nom d’un intellectualisme trop exclusivement tourné vers des méthodes scientifiques, d’autres voies de recherches et de communication risquent d’être sacrifiées.

De nombreux conflits de divers ordres menacent aujourd’hui notre monde : conflits de classes, de groupes de pression, de races, de générations et de sexes.

Plus généralement la civilisation technologique menace l’habitat humain et les conditions essentielles à la vie.

Cependant, des réalités positives incontestables selon certains, une hypothèse de travail pour d’autres, un acte d’espérance pour un laïc , nous engagent à rechercher les moyens permettant d’instituer une civilisation universelle, si du moins elle peut apporter le bonheur aux hommes.

Pour y arriver, faut-il sans doute d’abord maintenir le patrimoine culturel de chaque civilisation. L’universalisation ne devra pas se faire par une uniformisation, une homogénéisation des concepts et des comportements, mais dans le respect des spécificités et des originalités fondées.

Mais par delà ce pluralisme légitime, des valeurs et des attitudes fondamentales doivent être reconnues, répandues et appliquées dans toutes nos sociétés. Quelles sont-elles ?

  • Au niveau du groupe :
  • A) le respect de la personne dans tout individu, ce qui suppose que soient garantis son développement matériel et son autonomie. Le « leadership » social, actuellement aux mains des « producteurs », doit être restitué à la société civile, c'est-à-dire à l’ensemble des citoyens, en fonction de leurs besoins réels ;
  • B) par l’éducation, l’éveil du sens politique, c'est-à-dire une sensibilisation à la chose publique. Dans notre temps, un aspect primordial de l’éducation nationale et laïque est d’aménager les conditions d’une confrontation dialectique entre les jeunes générations et les anciennes ;
  • C) le développement de la raison et la sauvegarde de l’intelligence et du cœur.
  •  Au niveau de l’individu
  • A) l’esprit de compréhension et de tolérance ;
  • B) le sens de la responsabilité et de la solidarité agissante à l’égard du groupe.
  • Pour oeuvrer dans cette perspective, il faut engager ou soutenir des actions et notamment :
  • A) le renforcement des institutions internationales sur le plan mondial et le progrès de leur contrôle démocratique ;
  • B) la diffusion et la vulgarisation intelligente des informations d’ordre scientifique, politique, économique, culturel ;
  • C) le développement des sciences de l’homme et de la nature au service de la sauvegarde de l’environnement ;
  • D) l’étude approfondie, comportant notamment confrontations et colloques, des attitudes, des institutions, des situations diversement conçues ou vécues dans les différentes sociétés, par exemple : le statut de la femme dans le groupe familial ou dans la société politique.
  • La tâche est immense et la réalisation dépend de l’apport de chacun d’entre nous.
  •  
  • Patrick CHEVREL
  • Conseiller pédagogique et Radio Scolaire au NIGER (1971-1972)
  • Responsable d’une Caravane Chantier au SENEGAL ( 1970) dans le cadre des actions de coopération de la Ligue Internationale de l’enseignement. (OFFICO -Albert JENGER)
  • Animateur du GAM au sein de l’AMIFRAM (MEXICO ) (1979-1985 )(Olga Dremay de CARDENAS et Huri SAAVEDRA)
  • Rapport de la Commission « Civilisation » au Congrès International de l’Education. Université de DAKAR 1970 (Sénégal)
  • « la cabal manifestacion de la personalidad cultural de cada pueblo es parte insustituible e inalienable, del patrimonio comùn de la humanidad ». Declaración de BOGOTA
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4 juin 2017 7 04 /06 /juin /2017 22:13


Le patronyme CASBAS se trouve déjà dans les archives du Real Monasterio des soeurs cisterciennes de CASBAS -Province de HUESCA dans le Royaume d'ARAGON en 974.
Déjà le 24 Aout 1628 meurt un "Licenciado Miguel de Casbas", grand passionné de la Révérente Soeur Martina d'Aragon.
Miguel CASBAS né vers 1830 quitte la province d'ARAGON ( Huesca - Alcubierre- Lanaja ) et se retrouve en Argentine sans doute vers 1850.
Un autre espagnol originaire des Asturies, Alejandro CARIDE  né en 1836 débarque en Argentine en 1853 il a alors 17 ans et deviendra "hacendado" et fondateur du village de CASBAS dans le partido de Guayimi (Province de Buenos Aires) Les deux familles sont liées par mariage.
Le destin des deux espagnols va basculer quand ils obtiennent des terres sous la Presidence de Avellaneda (1874-1880) Miguel devient Intendant de la Maison du Gouvernement où il se lie avec le Ministre des Finances  Victorino de la Plaza, qui deviendra Presidente de la Nación.
Les deux acquièrent des terres dans le District grâce à des prêts qui permettent à un nombre restreint de personnes de devenir propriétaires de l'effort de toute la Nation
Miguel Casbas serait venu personnellement visiter ses futures terres presque  40.000 hectares, revenant une autre fois en 1882.Il baptisa son premier village -composé d'un ranch et de terres pour le bétail,bâtiments ayant disparu à ce jour- “La Atrevida”, nom encore connu par les habitants du lieu, est aujourd'hui passé entre d'autres mains.
Miguel Casbas s'est marié en 1856 avec  María Osué (ou Azua), avec laquelle il a eu 11 enfants: Agustina (1856),mariée ensuite à  Achúa; Teresa (1857), mariée ensuite à Somoza; José (1859); Miguel (1861); Flora (1866),mariée avec Alejandro CARIDE; Rosa (1871); Exequiel (1877); María Antonia (1888), mariée avec Arini; Manuela (1889) y Petrona et María del Pilar mortes en bas âge.
Le 12 avril 1858 Miguel Casbas dépose un  brevet de machine hydraulique pour élever le niveau d'eau appelée "Torno Argentino".
En 1885, la Cour suprême argentine  Suprema Corte de Justicia de la Nación mentionne que Don Miguel CASBAS,accuse el Banco de la Provincia de Buenos Aires pour non respect de ses engagements d'un contrat.

Miguel CASBAS meurt le 28 juillet de 1891

( Jorge Elorza -  Eduardo Hiriart  )

____________________________________________________________________________
Parallèlement, la branche CASBAS d'ARAGON se compose d'Enrique CASBAS CAPISTROS (Lanaja ) marié à Agustina LAFUENTE LINAS (Alcubierre) lesquels émigrent d'Aragon pour venir en Haute Garonne où ils donnent naissance à GABO CASBAZ CAPISTROS à Sta Juliana (Vizcaya) puis à Mathilde CASBAZ à Boulogne sur Gesse le 25 Octobre 1896 qui épousera Jean Cécilien LARRIEU à .Billères (64) et se trouve être ma grand mère maternelle ! (Pour lanecdote, c'est elle qui posera pour le sculpteur Ernest GABARD pour la statue de la Jeune fille à la fontaine à l'entrée de PAU récemment restaurée).
On trouve ensuite un CASBAS (Ramon) né Ie 17 décembre 1886 à Alcubierre (Espagne) qui lui aussi a émigré pour s'installer ,comme entrepreneur des transports demeurant à Aignan (Gers)1
La branche restée en Aragon se retrouve dans le village de Senegüé (Huesca) dans un Hôtel Restaurant sur la route de Biescas. Maria del Carmen CASBAS née en 1942 en est la propriétaire actuelle depuis 2000, mais sa mère Emilia CASBAZ de Gabin se souvient que son père lui parlait d'une tante  à Oloron Ste Marie (64) et d'une autre à Pau (Mathilde)  hotel-restaurante@casbas.com   www.casbas.com
___________________________________________________________________
SOURCES:

Centenaire de la ville de CASBAS (Argentine)
http://centenariodelospueblos.blogspot.fr/p/casbas-historia-biografias-entrevistas.html 

Blog argentin : Casbas mi pueblo

http://www.taringa.net/posts/info/1233321/Casbas-mi-pueblo.html


Genealogías argentinas, Volume 2 page 70
Lucio Ricardo Pérez Calvo
L.R. Pérez Calvo, 2002 - 367 pages
VIIIa. don ALEJANDRO CARIDE MASSINI, n. Bs.As.11.12.1863, hacendado, fundador del pueblo de CASBAS en el partido de Guaymini, provincia de Buenos Aires
3- doña Maria Mercedes Caride CASBAS, n Bs.As.14.2.1896, religiosa, profesa con el nombre de sor Maria Angela, fall. Bs.As.7.10.1971
4- don Abel Caride CASBAS, sigue en IXb.
5- doña Rosa Amalia Caride CASBAS, n.Bs.As.1.3.1901, fall.solt.
6- doña Sara Caride CASBAS, solt.
IX - don PAUL CARIDE CASBAS - 28.1.1904 hacendado fall.
IXb. don ABEL CARIDE CASBAS, n.Bs.As.4.2.1898, hacendado, empresario, fall. Bas As 17.1.1978
SOURCES GENEALOGIQUES MORMONNES :
Miguel CASBAS épouse Maria Azua PADRES en 1868. Il est âgé de 38 ans  et Maria de 32 ans quand nait leur fille Maria AZUA le 9 juin 1868, laquelle est baptisée le 18 septembre 1868 en l'Eglise de Montserrat Bs.As.
Six ans plus tard nait leur 2ème fille Maria del Pilar JASBAZ le 15 avril 1874. (noter l'erreur de transcription à l'état civil argentin CASBAS est devenu :Jasbaz)
Maria Flora CASBAS AZUA se marie le 19 aout 1892 avec Alejandro CARIDE (fils d'Alejandro CARIDE des Asturies et de Mercedes MASSINI -Argentine)) âgé de 30 ans en 1891 à Montserrat.
Nom barré: Flora âgée de 27 ans née en 1867 figure au recensement de 1895 comme fille CASBAS.

 

La statue d'Ernest GABARD à l'entrée de PAU enfin restaurée !

La statue d'Ernest GABARD à l'entrée de PAU enfin restaurée !

La singulière épopée des CASBAS en ARGENTINE (1850-2017 )
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20 avril 2017 4 20 /04 /avril /2017 14:33

Un ministère à la dérive

Avant-propos

Ce livre ne doit rien à la direction du Quai d'Orsay. Au contraire.

Au début, la réaction du ministère a été des plus courtoises : « Une enquête sur notre maison ? Quelle bonne idée ! Nos portes vous sont grandes ouvertes. » Pourtant, dès que le cabinet de Laurent Fabius a compris qu'il ne s'agissait pas de brosser un panégyrique de cette prestigieuse institution mais d'en comprendre les rouages secrets, ni d'en admirer les lambris dorés mais de regarder sous le tapis, il a pris peur. Peur de ce que je pouvais découvrir derrière les apparences si bien entretenues : cette face cachée du Quai que la haute hiérarchie de la maison dissimule avec tant de soin, depuis si longtemps. Alors les portes officielles se sont brutalement refermées.

Mais voilà : au ministère des Affaires étrangères, l'insatisfaction et la colère sont si grandes que près d'une centaine de diplomates en activité ou à la retraite – une tribu que je côtoie depuis quinze ans comme grand reporter au Nouvel Observateur, devenu L'Obs – ont accepté de briser l'omerta. De me parler on et off. De me confier des documents confidentiels. De raconter les coulisses de ce haut lieu de pouvoir, gardien de la grandeur de la France, du moins en théorie. Bref, de sortir les « cadavres » des placards.

Après deux ans d'enquête, le constat est sévère, bien plus que je ne l'imaginais en commençant. Le succès des négociations sur le climat en décembre 2015, cette COP21 dont Laurent Fabius ne voulait pas, est l'arbre qui cache la forêt. L'organisation réussie de cet événement mondial pourrait bien être le chant du cygne d'un Quai d'Orsay quatre fois centenaire et aujourd'hui en plein déclin.

Minée par le copinage, paralysée par le conservatisme, cette institution majeure de la République initiée en 1547, puis refondée en 1789, traverse la plus grave crise de son histoire. Servie par des fonctionnaires souvent compétents, c'est une administration opaque, davantage obnubilée par son budget que par les intérêts de la France. Un ministère dirigé au doigt mouillé, maltraité par le pouvoir politique sous Sarkozy comme sous Hollande, qui, depuis dix ans, ne sait plus où il va, ni à quoi il sert, si ce n'est à maintenir son pré carré au cœur de l'État.

 Certaines découvertes m'ont sidéré : l'impunité quasi totale dont jouissent encore les ambassadeurs malgré les scandales qui s'accumulent ; le montant de leurs revenus réels, que l'administration s'emploie toujours à cacher avec énergie ; les privilèges de la nomenklatura diplomatique qui, jusqu'à l'année dernière, logeait pour presque rien dans un immeuble ultrachic, propriété du ministère ; le pantouflage croissant dans le privé des plus importants diplomates au mépris des règles de déontologie ; ou encore l'étendue des malversations et du laisser-aller qui règnent dans certains consulats.

J'ai eu d'autres surprises : le poids de plusieurs multinationales dans le Quai d'Orsay, qui vit désormais à leurs crochets ; la vente à la va-vite d'ambassades, de résidences ou d'instituts culturels, joyaux du patrimoine national à l'étranger, pour boucler les fins de mois du ministère ; le coût réel de notre siège de membre permanent au Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies (ONU) ; la puissance d'un réseau de hauts diplomates, surnommé « la secte », qui dans l'ombre influence les choix diplomatiques de la France ; la quantité de matériels d'écoutes installés par la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), sur le toit de nos ambassades et le nombre d'espions sous couverture diplomatique...

Puisse ce tableau, dressé sans concession mais sans acrimonie, encourager nos gouvernants, d'aujourd'hui et de demain, à réformer en profondeur ce ministère régalien, dont le rôle, à l'heure de la mondialisation, n'a jamais été aussi précieux.

Quelques extraits suivront :

- le Golden Boy de Madrid 1 & 2

- linge sale des Ambassades 1 & 2

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20 avril 2017 4 20 /04 /avril /2017 14:24

Allusions « malsaines »

En matière de sanctions, l'histoire récente du Quai est également marquée par l'affaire Dahan. Pour comprendre son importance, il faut rappeler qu'au ministère des Affaires étrangères les commissions de discipline se réunissent par grades : secrétaires, conseillers, etc. Et aussi incroyable que cela paraisse, la commission de discipline des ministres plénipotentiaires – niveau le plus élevé dans la hiérarchie des diplomates – ne s'est réunie qu'une seule fois : le 7 décembre 2010, et justement au sujet de l'ambassadeur Paul Dahan, représentant de la France auprès du Conseil de l'Europe, à Strasbourg. Celui-ci est ministre plénipotentiaire de deuxième classe mais – est-ce un hasard ? – pas énarque. Quand l'affaire débute, il est en poste depuis un an.

Jusque-là, il a fait une carrière plus qu'honorable, puisqu'il a été conseiller diplomatique du premier patron de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI13), Bernard Squarcini. Mais son passé dans la police ne le protège pas. À l'évidence, il est allé trop loin. Une élève de l'ENA, qui faisait son stage à la représentation à Strasbourg, l'accuse par écrit de harcèlement moral. Alertés par la missive, les inspecteurs collectent sur place plusieurs témoignages accablants.

Dans leur rapport du 20 septembre 201014, ils affirment que l'ambassadeur Dahan aurait multiplié, et depuis longtemps, les blagues et les allusions « malsaines ». « Le face-à-face entre le diplomate et la stagiaire de l'ENA durant la commission de discipline était particulièrement pénible15 », témoigne l'un des participants. « Je ne comprends pas pourquoi elle ment16 », assure Paul Dahan, qui reconnaît l'avoir « engueulée pendant une demi-heure pour avoir mal rédigé un télégramme, mais rien de plus ».

À l'unanimité, la commission de discipline, présidée par le directeur général de l'administration, Stéphane Romatet – futur conseiller diplomatique de Manuel Valls à Matignon –, décide que ce comportement, « gravement fautif, altère sérieusement la réputation du corps des hauts fonctionnaires auquel [Paul Dahan] appartient ». Elle estime qu'« une sanction exceptionnelle doit être prononcée ». Comme l'ambassadeur a soixante-deux ans, elle propose sa mise à la retraite d'office, condamnation la plus grave après la révocation. C'est chose faite par décision du Conseil des ministres, le 10 septembre 2010.

Dans la foulée, Paul Dahan est remplacé par un ancien conseiller de Paris un temps impliqué dans l'affaire des faux électeurs du IIIe arrondissement17, Laurent Dominati, que Nicolas Sarkozy avait exfiltré comme ambassadeur au Honduras et qui, après trois ans d'exil, était impatient de retrouver la France. Après

Allusions « malsaines »

En matière de sanctions, l'histoire récente du Quai est également marquée par l'affaire Dahan. Pour comprendre son importance, il faut rappeler qu'au ministère des Affaires étrangères les commissions de discipline se réunissent par grades : secrétaires, conseillers, etc. Et aussi incroyable que cela paraisse, la commission de discipline des ministres plénipotentiaires – niveau le plus élevé dans la hiérarchie des diplomates – ne s'est réunie qu'une seule fois : le 7 décembre 2010, et justement au sujet de l'ambassadeur Paul Dahan, représentant de la France auprès du Conseil de l'Europe, à Strasbourg. Celui-ci est ministre plénipotentiaire de deuxième classe mais – est-ce un hasard ? – pas énarque. Quand l'affaire débute, il est en poste depuis un an.

Jusque-là, il a fait une carrière plus qu'honorable, puisqu'il a été conseiller diplomatique du premier patron de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI13), Bernard Squarcini. Mais son passé dans la police ne le protège pas. À l'évidence, il est allé trop loin. Une élève de l'ENA, qui faisait son stage à la représentation à Strasbourg, l'accuse par écrit de harcèlement moral. Alertés par la missive, les inspecteurs collectent sur place plusieurs témoignages accablants.

Dans leur rapport du 20 septembre 201014, ils affirment que l'ambassadeur Dahan aurait multiplié, et depuis longtemps, les blagues et les allusions « malsaines ». « Le face-à-face entre le diplomate et la stagiaire de l'ENA durant la commission de discipline était particulièrement pénible15 », témoigne l'un des participants. « Je ne comprends pas pourquoi elle ment16 », assure Paul Dahan, qui reconnaît l'avoir « engueulée pendant une demi-heure pour avoir mal rédigé un télégramme, mais rien de plus ».

À l'unanimité, la commission de discipline, présidée par le directeur général de l'administration, Stéphane Romatet – futur conseiller diplomatique de Manuel Valls à Matignon –, décide que ce comportement, « gravement fautif, altère sérieusement la réputation du corps des hauts fonctionnaires auquel [Paul Dahan] appartient ». Elle estime qu'« une sanction exceptionnelle doit être prononcée ». Comme l'ambassadeur a soixante-deux ans, elle propose sa mise à la retraite d'office, condamnation la plus grave après la révocation. C'est chose faite par décision du Conseil des ministres, le 10 septembre 2010.

Dans la foulée, Paul Dahan est remplacé par un ancien conseiller de Paris un temps impliqué dans l'affaire des faux électeurs du IIIe arrondissement17, Laurent Dominati, que Nicolas Sarkozy avait exfiltré comme ambassadeur au Honduras et qui, après trois ans d'exil, était impatient de retrouver la France. Après

quoi, en vertu de l'article 40 du Code de procédure pénale, le Quai d'Orsay dénonce Paul Dahan au procureur de la République, le 20 octobre 2010. En octobre 2012, l'ex-ambassadeur est mis en examen pour « harcèlement moral ». Il attend son jugement.

 Épouses tyranniques

Cette affaire a marqué le début d'un changement d'attitude du ministère à l'égard du harcèlement. « Parfois on découvre des chefs de poste complètement dingues, qui traitent leurs collaborateurs n'importe comment, raconte un ancien inspecteur. Souvent ils ne font que reproduire ce qu'ils ont subi d'un patron tyrannique18. » Là encore l'administration a longtemps fermé les yeux. Et puis la loi sur le harcèlement a changé et a durci les peines, en France comme dans beaucoup de pays. Si bien que ce type de déviance peut désormais coûter très cher au harceleur et à son employeur, le ministère des Affaires étrangères. C'est pourquoi le Quai scrute désormais avec attention le comportement des ambassadeurs mais aussi celui de leur... conjoint.

Ces dernières années, plusieurs ont été rappelés à Paris et mis au placard – au moins pour un temps – à cause du style tyrannique ou déplacé de leurs femmes. Dans un pays d'Europe, l'épouse d'un chef de poste jetait régulièrement de la vaisselle à la tête du cuisinier et de l'intendant. Le couple a été rapatrié. Autre cas, qui concerne un diplomate de droite, énarque et toujours très en vue : à peine arrivée dans une nouvelle résidence, son épouse a pris l'habitude de faire licencier la moitié du personnel de maison, recruté localement, même ceux qui sont là depuis des décennies. À la troisième incartade, en 2014, l'ambassadeur en question a été discrètement alerté par l'un de ses collègues : sa carrière risquait de souffrir du comportement tyrannique de sa chère et tendre. À ce jour, la dame n'a pas changé ses manières.

Ces affaires de harcèlement sont si menaçantes pour la réputation et les finances du Quai d'Orsay que Laurent Fabius a décidé de nommer un médiateur, chargé de recueillir les plaintes et de déminer les dossiers le plus tôt possible. ...

La face cachée du Quai d'Orsay de Vincent Jauvert ( Robert Laffont 2016)

 

 

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20 avril 2017 4 20 /04 /avril /2017 14:21

La tricherie continue

En 1999, le ministre Hubert Védrine entreprend d'assainir le système. Il s'occupe d'abord des alcools, source première de fraude. Les ambassadeurs sont désormais priés d'acheter sur leurs propres deniers leur vin et leur champagne, qui leur sont remboursés sur facture. Pour le reste, la nourriture, les extras, les fleurs, le remboursement se fera au forfait. Mais ce contrôle n'est pas suffisant, la tricherie continue. Alors, en 2012, le Quai décide,

afin d'éviter toute tentation, que les alcools seront achetés et payés directement par le service comptable de l'ambassade, et non plus par le chef de poste. Enfin, à la suite de l'affaire Terral, les ambassadeurs sont tenus d'ouvrir un compte en banque dédié aux seuls frais de représentation, afin que ceux-ci ne soient pas noyés dans la comptabilité générale. « Il est toujours possible de frauder, mais c'est plus visible8 », confesse un inspecteur. La confiance règne...

Aucun ambassadeur, à notre connaissance, n'a été poursuivi pour ce type de pratiques. Même impunité pour les « disparitions » d'objets de valeur dans les représentations diplomatiques. Là encore, des diplomates de haut rang sont régulièrement accusés par la rumeur publique de quitter leur poste en emportant quelques « souvenirs » – sans qu'aucun, selon nos informations, ait été puni par l'administration, et encore moins amené devant les tribunaux pour ces faits. Pourtant, c'est parfois plus qu'une simple rumeur.

 

En juin 2014, le sénateur Roland Du Luart remet un rapport9 accablant sur la gestion des œuvres d'art en dépôt dans les représentations diplomatiques françaises. Il s'agit là d'un patrimoine considérable : 18 000 objets – tableaux, tapisseries, vases... –, parfois de grande valeur. Or, selon les derniers relevés, 1 011 sont considérés comme « non vus », un euphémisme pour dire « présumés détruits ou volés ». 1 011 ! Et encore ce chiffre n'intègre pas « les céramiques de Sèvres, ce qui l'aurait rendu beaucoup plus élevé », dénonce le sénateur, sidéré par un tel laxisme.

Même quand ils sont pris sur le fait, les diplomates énarques risquent moins qu'un citoyen lambda. Marc Fonbaustier est nommé consul général à Hongkong en 2009. Un an plus tard, en novembre 2010, il est rappelé à Paris. Les autorités chinoises l'accusent d'avoir dérobé plusieurs bouteilles de vin extrêmement chères dans plusieurs clubs et restaurants huppés de la ville. Des vidéos de surveillance ont enregistré ses agissements. Les consuls ne bénéficiant pas des mêmes immunités que les ambassadeurs, ils peuvent être arrêtés et emprisonnés par les autorités du pays d'accueil. Ne voulant pas créer d'incident diplomatique avec Paris, les Chinois ont donné quarante-huit heures au consul pour quitter la ville. Il ne s'est pas fait prier.

 

Le Quai décide de ne pas déposer plainte contre lui. Mais, l'affaire ayant fait la une des journaux10, en Chine, le ministère n'a pas d'autre choix que de punir Marc Fonbaustier, qui, ironie de l'histoire, a été décoré de l'ordre du Mérite quelques semaines auparavant. Il est suspendu pendant six mois, sans salaire. Mais à son retour, il est étonnamment bien traité. En 2010, il intègre le centre de crise du Quai d'Orsay comme sous-directeur. Et, en

2014, Laurent Fabius le nomme ambassadeur au Togo, au grand dam des médias locaux11 informés de l'affaire de Hongkong. Pourquoi une telle mansuétude, alors qu'un grand nombre de diplomates irréprochables attendent une affectation depuis des mois, parfois des années ? Est-il protégé par ses nombreux amis bien placés, notamment ses anciens camarades de promotion à l'ENA, en poste à l'Élysée ou à la direction du Quai ? Beaucoup en sont convaincus.

Un pédophile impuni

Depuis quelques années, les affaires de pédophilie sont, elles, traitées avec moins de légèreté. « Longtemps, la maison ne disait rien, voire laissait partir des diplomates suspects de pédophilie dans des pays où les enfants étaient des proies faciles, révèle une ancienne cadre du service du personnel. C'est beaucoup moins le cas aujourd'hui12. » Plusieurs diplomates importants, mais jamais des ambassadeurs, ont été radiés puis traînés devant les tribunaux pour de tels actes. À l'image d'un consul général à Tamatave (Madagascar), condamné en 1997 ; ou d'un consul d'Alexandrie (Égypte), condamné en 2008 à six mois de prison ferme pour avoir agressé sexuellement un garçon de treize ans.

Il reste encore des cas d'impunité. Ainsi ce jeune diplomate détaché récemment du Quai d'Orsay au siège des Nations unies à New York. Comme il n'a été ni condamné ni officiellement sanctionné, on ne peut pas citer son nom. M. X ne sort pas de l'ENA mais il est diplômé d'une prestigieuse école. Un jour de 2013, le FBI monte une opération anti-pédophilie. Parmi les numéros de téléphone des prédateurs, il déniche celui d'un officiel de l'ONU : M. X. L'homme est immédiatement démis de ses fonctions par Ban Ki-moon, le secrétaire général de l'organisation.

Le Quai pourrait remettre le jeune homme à la justice américaine. Mais il veut protéger l'image de la France, ternie après l'affaire DSK, autant que la réputation de la maison. M. X est simplement rappelé. Comme il n'est pas sûr que son immunité diplomatique couvre de tels faits et qu'il a encore en mémoire l'arrestation de l'ancien patron du FMI sur le tarmac de l'aéroport Kennedy, il se rend discrètement en voiture à Montréal, d'où il s'envole vers Paris.

Au Quai, on le prévient qu'il ne sera plus jamais affecté à l'étranger. Mais on ne le poursuit pas et on ne le renvoie pas. On lui confie même un drôle de placard pour un prédateur sexuel utilisant Internet pour assouvir ses pulsions : gérer les réseaux sociaux d'une direction de la maison ! Il y demeure quelques mois. Puis un ancien diplomate de haut rang reconverti dans une prestigieuse banque d'affaires le recrute. Mais il n'est pas rayé pour autant des cadres du ministère. La preuve : en septembre 2015, M. X a pris part à la conférence des ambassadeurs et, simple négligence ou volonté de passer l'éponge, son nom apparaît dans un jury de concours interne au Quai d'Orsay...

 

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20 avril 2017 4 20 /04 /avril /2017 14:19

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Linge sale

Le Quai rechigne – c'est le moins que l'on puisse dire – à sanctionner ses énarques. « On lave notre linge sale en famille1 », se gausse l'un d'entre eux. Et pour cause ! La haute hiérarchie est le plus souvent issue de la prestigieuse école, dont les diplômés disposent d'un puissant syndicat maison, l'ADIENA2. Si bien que les affaires impliquant ambassadeurs ou consuls se retrouvent rarement exposées sur la place publique et encore moins devant les tribunaux, à la grande déception des « bœuf-carottes » qui les ont mises au jour.

Prenez cette histoire3 qui a fait éclater de rire le Quai, maison d'ordinaire si difficile à dérider. Début 2013, une mission d'inspection du ministère des Affaires étrangères est dépêchée au Luxembourg. Les « bœuf-carottes » ont reçu plusieurs plaintes concernant l'ambassadeur sur place, Jean-François Terral, et son épouse. Certaines dénonciations n'étaient pas anonymes. Un dirigeant de la chambre de commerce du Grand-Duché a pris la plume pour s'étonner de l'extrême médiocrité des repas servis à la table de Son Excellence l'ambassadeur de France. En octobre 2011, la directrice locale d'une compagnie d'assurances française s'est dite, elle, furieuse d'une « indélicatesse » plus grave. Elle aurait confié 1 500 euros au couple Terral afin qu'ils les remettent aux agents de l'ambassade qui l'avaient aidée à résoudre une affaire difficile et qu'elle tenait à remercier. Or les enveloppes n'auraient jamais été données aux intéressés... Bref, la probité du couple serait sérieusement mise en doute.

Jean-François Terral n'est pas un diplomate de seconde zone. Ancien élève de l'ENA, promotion Léon Blum – celle de Bruno Delaye... –, il a dirigé l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA). Pourtant, en épluchant son compte personnel et en interrogeant les employés de l'ambassade, les inspecteurs découvrent des pratiques de grippe-sous. On raconte même que les fleurs déposées le matin sur le monument aux morts de la ville... se seraient retrouvées le soir même en petits bouquets sur les tables de réception de l'ambassadeur !

 

Gratter sur tout

Selon le rapport des inspecteurs, les Terral « grattaient » sur tout. Et particulièrement sur les frais de représentation. La règle veut que, lorsqu'il reçoit des hôtes dans sa résidence, un ambassadeur avance de sa poche les dépenses liées à la réception. Pour se faire rembourser, il doit indiquer à Paris le nombre de convives. À part le vin et le champagne, le remboursement est forfaitaire : 15 euros par personne pour un cocktail et 35 pour un déjeuner ou un dîner. Selon une note de l'inspection datée du 19 mars 2013, les Terral auraient parfois servi de « la nourriture notoirement périmée », notamment celle qu'ils auraient rapportée

plusieurs années auparavant, de Serbie, leur précédent poste.

Selon les inspecteurs, ils auraient facturé souvent 35 euros un déjeuner pour le moins frugal, composé d'une salade et d'une tranche de jambon sous vide. Enfin, ils auraient gonflé le nombre d'hôtes lors de leurs lugubres pince-fesses. Quand ils avaient dix invités, ils auraient prétendu en avoir nourri le double. Cette dernière tricherie, la plus simple, leur aurait rapporté au moins 10 000 euros en trois ans, selon les calculs des inspecteurs.

Qu'est-il alors arrivé à l'ambassadeur Terral ? Rien de bien méchant. Il a été convoqué à Paris. Il a admis « quelques maladresses ». Le directeur général de l'administration lui a écrit une lettre bien sentie. Et c'est tout. « Comme il devait partir à la retraite quelques semaines plus tard, on l'a laissé terminer son mandat4 », explique un haut responsable du ministère. Sans sanction ni dépôt de plainte. On a bien imaginé lui faire rembourser à l'administration au moins les 10 000 euros correspondant à ses invités imaginaires. Selon le principal intéressé5, le Quai « n'est pas allé jusque-là » puisque « le dossier était totalement vide », l'affaire n'étant qu'une « cabale » contre lui. En tout cas, il est parti à la retraite s'occuper de ses vignes en Charente après avoir été discrètement remplacé au Luxembourg par un certain Guy Yelda, un diplomate désœuvré, qui avait connu François Hollande à l'ENA.

Pendant des décennies, le Quai d'Orsay a totalement fermé les yeux sur les petits arrangements avec les frais de représentation alloués aux ambassadeurs – frais qui atteignent aujourd'hui, selon les postes, entre 10 000 et 200 000 euros par an, le maximum étant réservé au représentant aux Nations unies à New York. Jusqu'en 1999, « il était on ne peut plus simple de grignoter quelques dizaines de milliers d'euros chaque année6 », confie un important diplomate. Le ministère versait la somme directement sur le compte personnel de l'ambassadeur, lequel n'avait jamais à justifier de son utilisation ! Les « indélicats » étaient donc libres de n'en dépenser qu'une partie dans le cadre de leurs fonctions et de garder la différence. « Il était de notoriété publique que certains, parfois très bien notés, profitaient du système pour servir de la piquette ou des frites surgelées à leurs invités, révèle un diplomate. C'était désastreux pour l'image de la France dans le pays hôte, mais pas interdit7. »

 

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