Interview de Philippe DJIAN dans le Carnet d'Or (France Culture) d'Augustin Traquenard à propos de son roman "Lovesong" (avec Pia Petersen et Dominique Noguez) Samedi 14 décembre 2013..
Les errances du couple, les histoires se compliquent de plus en plus, alors lorsque que vous faites une rencontre qui va peut-être changer votre vie,à priori c'est seulement les premières approches qui vous semblent un peu bizarre et qui vont vous attirer vers un autre,mais on ne se rend pas compte vers où on va,où on met le pied.
Pour Philippe Djian "une histoire d'amour ne va pas vers un happy-end car c'est la vie qui est comme ça, c'est très compliqué de vivre avec quelqu'un,donc il n'y a pas de raison que ça s'arrange même si on est assez intelligent pour parfois faire un peu de concessions qui nous permettent de vivre ensemble mais à priori on n'est pas fait pour vivre ensemble.C'est Beigbeder qui avait dit avec juste raison,en prenant les réponses un peu plus sérieuses des scientifiques, à savoir,que l'amour ça dure trois ans.Donc tout ce qu'on ajoute à ça, c'est un truc très très bizarre,qui appartient à notre espèce,qui n'est pas normal, donc je trouve que c'est à la fois, incroyable que l'on arrive à le mener à bien, plus ou moins bien d'une manière un peu chaotique,mais il n'y a que nous qu faisons ça, à part quelques espèces,dont on apprend qu'il arrivent à passer leur vie ensemble, mais, on ne peut pas expliquer ça, vivre avec un autre c'est trop compliqué. Ce que l'on éprouve dans ce qu'on appelle l'amour, c'est tellement chaotique,tellement hors de contrôle et tellement imprévu,qu'on ne peut pas en parler,on peut seulement le vivre. le personnage de Lovesong est tout le temps en train de parler de son attirance physique,il a envie d'elle, et ce n'est pas seulement sexuel ! Avoir envie de quelqu'un, à mon avis, ça dépasse la sexualité,(le sexe ça ne dure pas des heures...) Qu'est-ce que cette attirance animale qui fait qu'on a envie de prendre l'autre dans ses bras ? C'est une drôle d'alchimie qui se passe,et donc, la seule chose que comprend le héros, c'est: "j'ai envie d'elle" et ça ça lui suffit, ça lui permet d'évacuer toutes les complications. Cette femme est enceinte et cet homme est stérile en même temps donc qu'est-ce que je fais dans ses cas là ?"
Donc la fiction, toute le monde le sait c'est mettre des gens normaux dans des situations anormales.
Ce personnage de Daniel, chanteur à bout de souffle en voit de toutes les couleurs; il s’essouffle dans son couple, dans sa famille, dans la vie,dans le monde dans lequel il évolue et on a l'impression que rien ne va plus et on se demande même s'il ne fait partie d'un sorte de chaos permanent,en sorte, pour reconstruire sa destinée .
L'objet de la littérature ce n'est pas de boucher les trous quand le bateau prend l'eau de toute part mais de maintenir la langue en vie, c'est de faire qu'on ne parle pas une langue morte. Je suis atterré dans le Jury de l'Interallié de voir le nombre de bouquins qui parlent de la Guerre de 14 et même de la Seconde Guerre Mondiale et je me dis: "A quoi ça sert ?". Je ne comprends pas que des auteurs plus jeunes que moi s'intéressent encore à la Guerre 14 même si on peut encore beaucoup en dire. Je préfère parler du monde dans lequel je vis car c'est lui qui m'intéresse.On doit se poser la question de ce que c'est qu'un écrivain aujourd'hui en 2013 ou est-ce qu'on est seulement des beaux pots de fleur qu'on regarde. Homère qui parle de la Guerre de Troie et Proust qui regarde en arrière c'est génial, mais moi mon travail d'écrivain, c'est pas ça, c'est autre chose parce que je sens que dans cette société, la place et le rôle de l'écrivain,qu'il soit reconnu ou non c'est pas le problème, mais,il est indispensable et il faut se battre pour cela et que c'est le travail de romanciers et des auteurs de fiction de se battre pour la langue.
Philippe DJIAN (parolier de Stéphane Eicher)
"Le roman est le lieu d'une exploration littéraire,langagière, rythmique,sonore.".
Priorité au dialogue qui existe peu dans le roman du XIXè et qui a été délaissé alors qu'il a ses règles particulières, son rythme, ses répétitions et qui risque de disparaitre dans certains quartiers.Il s'agit de syntoniser la station de radio pour se caler sur le son pur et bien c'est la même chose en littérature, ils faut se caler sur le son propre de l'époque et s'adapter au monde qui nous entoure, par petites touches en attendant un nouveau Céline.
Malgré la grande dépression dans le monde littéraire où on pense qu'on ne sert à rien ! Méfions nous des tics de la mode. Ce n'est pas la langue qui doit se mettre au service du récit mais l'inverse.
Il n'y a pas que le roman et la fiction pour travailler la langue, prenons le Journal de Léautaud, il n'arrête pas de parler du style il se réfère à Stendhal et recherche toujours plus de simplicité.
"Tout le monde a le droit de parler de lui à condition qu'il n'ennuie pas." Baudelaire