GEOPOLITIQUE de l'EUROVISION
par Joseph MACE-SCARON in Marianne n°685 p.74 -5 au 11 juin 2010
Faudra-t-il bientôt demander à Alexandre ADLER de siéger aux côtés de Stéphane BERN pour analyser l'an prochain les résultats du concours de l'Eurovision de la chanson ?
Cette compétition qui fut musicale dans un lointain passé est, en effet, en train de devenir un élément de politique internationale, un signe éclatant des affinités électives entre les peuples,
de l'Atlantique au Caucase. Rien de nouveau sous les projecteurs, objectera-t-on. la Grèce votera toujours pour Chypre, et inversement. cette réciprocité se retrouve avec les pays de l'Est et
dans une moindre mesure avec les nations scandinaves.
Reste que le mode de scrutin, qui permet aux citoyens de corriger par SMS le vote des jurys professionnels a considérablement amplifié le phénomène. le cru 2010 de ce concours, avec la victoire
écrasante de la candidate de l'Allemagne (combien de divisions de panzers ?), montre que l'on se situe, aujourd'hui, sur un tout autre terrain de "jeu".
Commentateur depuis 1994 pour la Belgique, Jean Paul HAUTIER, qui vient de publier "la Folie de
l'Eurovision" a souligné recemment dans la presse combien ce concours est révélateur de l'état de l'europe. il n'est pas le seul ! Très sérieusement, les économistes Farid TOUBAL et Gabriel FELBERMAYR, l'un professeur d' université à Tübingen et l'autre à Angers, ont
remis une étude sur ce sujet brûlant. La raison de ce soudain engouement pour la musique formatée et
sirupeuse ? "Le potentiel de commerce dû à la proximité culturelle". Bien sûr, certains scores sont liés à des événements politiques. C'est le cas du résultat médiocre de la Grande
Bretagne en 1983, lors de son entrée dans le conflit irakien. depuis, l'opinion publique européenne oude" les représentants, fussent-ils de talent, du pays de "Tory Blair". cette année
l'Angleterre arrive bonne dernière.
En revanche l'Allemagne marque, une nouvelle fois, son aire d'influence. les pays scandinaves et baltes ont voté massivement pour elle ainsi que la majorité des pays des Balkans, Slovénie en
tête. Si l'on ajoute à cela que la minorité turque en Allemagne s'est mobilisée pour la Turquie, ce qui a eu pour résultat de voir les Turcs et les Azéris voter à leur tour pour Berlin, on
appréciera mieux le poids de l'Allemagne dans cette Europe des vingt-cinq et au delà... On ne sait pas si le couple franco-allemand est le
moteur de l'Europe, mais les opinions savent, elles, lequel des deux partenaires porte la culotte.
Commentaires : "La musique formatée" de Barcelone à Berlin et de Paris à Prague était à l'honneur ces jours ci-dans les gays pride européennes, quant au "sirupeux" et soi disant festif, avant la Coupe du monde 2010, je renvoie à cet hymne à la beaufitude qu' était ce titre évocateur de Jessy Matador "Allez Ola Olé" qui sonne bon la corrida et les aficionados d'outre pyrénées dont on a déjà parlé.
Mais puisque "le potentiel de commerce dû à la proximité" (qu' a tant souhaité de ses voeux un Jack lang en son temps, souvenons nous du "tout se vaut") triomphe grâce aux "charts" et aux "majors" qui dictent leur loi aux opinions publiques, rappelons que la palme revient aux programmateurs musicaux et particulièrement à ceux du service public qui nous prennent en otage quotidiennement sur France Inter, je veux parler des Bernard Chérèze, ancien Directeur Artistique et de la Musique (qui nous a gratifié d'un certain nombre de "nanards" dont il avait le secret), et maintenant Thierry Dupin (chef de la programmation musicale d'Inter on peut réécouter sur "Bide et Musique" son inoubliable "les Rois du Skate board.") et de tous leurs sbires: Jean Michel Montu ,Cyril Sauvageot, Djubaka sans oublier celle qui contribue à promouvoir l'anglomanie à outrance: Valli et autres tristes sires .
Et voilà comment on façonne peu à peu une opinion publique, par des "doublons" matraqués à longueur d'antenne et à l'insu des réalisateurs et producteurs,
eux aussi otages des "playlists" citons Dominique A , "M" ,Delherm, Alexis HK, La maison Tellier,
Massiv Attack, Brigitte Fontaine.... la liste serait longue de tous ceux qui doivent tant de figurer sur la liste "prestigieuse" des Disques Inter. passage obligé, l'émission le "Pont des Artistes" de la fille du patriarche Dhordain ou la
fille Foulquier (Ambre pour les connaisseurs) .
Ah il est loin le temps des découvreurs que l'on écoutait "l'oreille en coin" collée au poste le soir autour d'un Pop Club de José Artur libre et indépendant ,lui,dans sa programmation.
Aujourd'hui où sont les découvreurs ? Dans les émissions associatives et alternatives ou très tard le soir sinon c'est le temps de la rengaine égréné chaque semaine par Philippe Meyer ou peut-être ailleurs sur le net. Voilà pour boucler la boucle comment se forge et se formate l'oreille et comment les lecteurs et enseignants à l'étranger colportent une certaine "image sonore de la France" et qu'entre un Trénet et une Olivia Ruiz, il n'y a de place pour les apprenants de FLE que pour le pire ou le meilleur.