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  • : " Le bonheur se trouve là où nous le plaçons: mais nous ne le plaçons jamais là où nous nous trouvons. La véritable crise de notre temps n'est sans doute pas l'absence de ce bonheur qui est insaisissable mais la tentation de renoncer à le poursuivre ; abandonner cette quête, c'est déserter la vie." Maria Carnero de Cunhal
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Pour le philosophe Jean-Marie Schaeffer, les pratiques scolaires en vigueur échouent à transmettre le goût des textes

A la rengaine sur le déclin de la littérature, Jean-Marie Schaeffer apporte ici une réponse nette : les «déclinologues» confondent ce qu’ils nomment «littérature » avec le modèle qu’en véhicule uncanon élaboré pour une société beaucoup plus élitiste que ne l’est désormais la nôtre, et par conséquent incapable de répondre à nos souhaits en matière d’enseignement.
Deux surprises attendent le lecteur de cette Petite écologie des études littéraires. La première est de voir l’auteur de deux classiques de la théorie littéraire (Qu’est-ce qu’un genre littéraire ? [1989], et Pourquoi la fiction? [1999], tous deux parus au Seuil) marcher à front renversé, et déplorer – ainsi que Jean-Pierre Martin l’a récemment fait dans Les Ecrivains face à la doxa (José Corti, 241p., 22 ¤) – que les théories regroupées demanière floue sous l’appellation «structuraliste » aient été appliquées de manière mécanique à l’enseignement des lettres. Si crise il ya, elle tient donc à l’impossibilité de concilier « la formation du plus grand nombre avec la sélection précoce des compétences spécialisées » qu’exige le commentaire de texte toujours en vigueur.
«Ecritures d’invention» Loin toutefois de renier cet héritage théorique dont Vincent Kaufmann a récemment défendu le bilan (La Faute à Mallarmé. L’aventure de la théorie littéraire, Seuil, 321p., 23¤), Schaeffer propose de dissocier plus nettement enseignement et recherche. Il suggère également de valoriser
l’expérience directe que les élèves peuvent avoirde la lecture ou de l’écriture, aucun raccourci analytique ne pouvant se substituer à la pratique individuelle des œuvres.
Toutefois – second sujet d’étonnement –, Schaeffer ne tire aucune application pédagogique d’une telle proposition. Il traite essentiellement des rapports entre enseignement et théorie en montrant qu’il convient de
retarder l’interprétation sémantique d’un texte afin d’en laisser se déployer lamatérialité phonétique, rythmique, linguistique,autrement dit de permettre à l’élève de trouver dans un texte lu – et mieux encore, produit par lui-même – unmode d’expérience spécifique du monde. Mais c’est là que les difficultés com-
mencent :une fois admise la priorité accordée à la lecture et aux «écritures d’invention» en tant
que pratiques individuelles, comment les mettre concrètement en œuvredans un cadre scolaire ?
Plus pragmatique lorsqu’il en vient à l’enseignement et à la recherche universitaires, Schaeffer choisit de défendre la politique de financement sur projet.
Sans ignorer les risques que présentent les actuelles réformes du statut d’« enseignant-chercheur» (précarisation des statuts et alourdissement des procédures d’évaluation), il y voit le moyen de renforcer les exigences scientifiques de la discipline, tout en permettant un rapprochement entre les universités et
les organismes de recherche.
Il existe donc bien une crise de la littérature,mais celle-ci concerne avant tout son étude. Et cette petite «écologie des études littéraires» offre, avec Pourquoi étudier la littérature?,deVincent Jouve (Armand Colin, 2010), ou L’Avenir des humanités, d’Yves Citton (La Découverte, 2010), quelques repères pour une réorganisation à venir, qu’il s’agit de ne pas abandonner aux instances politiques
et à leurs conseillers. p

                                                                                                                               Jean-Louis Jeannelle
Petite écologie des études littéraires : pourquoi et comment étudier la littérature ? de Jean-Marie Schaeffer    Ed.Thierry Marchaisse, 130p., 15¤

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